mercredi 10 juin 2015

CDI, CDD: dites nous la vérité ! #25

Le contrat de travail est un thème plutôt d'actualité. Pour preuve, il fait partie intégrante des 18 mesures pour l'emploi dans les PME-TPE qu'a annoncé Manuel Valls ce mardi. 



Il existe en France différents types de contrats de travail dont les plus connus sont bien évidemment le CDI, le CDD et le contrat d'intérim mais il ne faut pas oublier les contrats d'apprentissage, de professionnalisation, les contrats à temps partiel ou encore les contrats de travail temporaire.
Bref, il existe une liste substantielle de contrats de travail qui doivent permettre à l'employeur de recruter selon ses besoins, la typologie de son entreprise, sa santé économique ou encore les perspectives qu'il a sur son activité.

Une confusion à éviter

J'aimerais commencer cet article par une simple observation: en fin d'année dernière, 86% des embauches se faisaient en France sous la forme d'un CDD comme nous le rappelait le ministère du travail.
- La première lecture de ce chiffre est certainement de dire qu'il est très élevé notamment du fait que taux était de 20 points inférieur dans les années 2000 ; un taux important d'embauches en CDD n'est pas un facteur très positif pour une économie puisqu'il peut être révélateur d'une peur des chefs d'entreprise à embaucher et donc d'une situation instable de l'environnement macro-économique: une absence d'embauche signifie presque automatiquement que les investissements n'ont pas été déclenché et que donc l'activité n'est pas en train de redémarrer.
- La seconde lecture qui est souvent réalisée consiste à conclure par un raccourci que près de 9 salariés sur 10 sont employés en CDD, et c'est évidemment faux ! Certes entre 1982 et 2012 la part des CDI dans l'emploi salarié est passé de 94% à 87% mais il n'en demeure pas moins la norme aujourd'hui encore et ce chiffre est stable depuis 10 ans. Ces 86% d'embauches en CDD traduisent certes une précarité de l'emploi mais également une explosion du nombre de contrats signés (24 millions en 2014) comme le signalait Emmanuel Lechypre cette semaine: si le nombre de contrats courts augmente significativement, la part relative des contrats longs (CDI) dans l'ensemble des contrats créés peut donc demeurer constante. Ainsi, si une personne réalise 10 CDD dans la même année, cela ne signifie pas pour autant que 10 personnes ont contracté un CDD : on parle bien d'embauches, de contrats et non de salariés !

Ce que les chefs d'entreprises veulent

Dans une situation où le taux de chômage flirte avec la barre des 10%, quoi de plus naturel que de demander directement à ceux qui créent l'emploi quels sont leurs freins ?
Justement, les chefs d'entreprise ne cessent de le marteler : tout ce dont ils ont besoin est de la stabilité, qu'elle soit fiscale ou au niveau des normes que on leur impose par exemple. Ainsi, Eric Delannoy (vice-président de Nous Citoyens) déclarait: "L'emploi, c'est une conséquence par rapport à un environnement favorable à faire du business".
Ces chefs d'entreprise souffrent souvent de la vision binaire de l'économie qui consisterait à favoriser soit les entreprises (offre) et donc indirectement les grands patrons, les actionnaires, soit les particuliers, les citoyens et donc les consommateurs (demande).
Cette vision quelque peu passéiste méconnait le fonctionnement réel de l'économie où comme le disait Helmut Schmidt, "Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain" et le gouvernement de Manuel Valls l'a bien compris en adoptant depuis quelques mois un discours plus en adéquation avec la réalité du terrain. Réaliser une politique de l'offre en aidant les entreprises ne se fait pas au détriment des salariés, des consommateurs, de vous et moi mais dans le but de créer de l'emploi, de la richesse afin de mieux la partager : c'est un cercle vertueux quand on veut bien faire l'effort de le comprendre.

CDI/CDD, comme un problème

Pour en revenir au contrat de travail, il y a quelques moi le premier ministre résumait bien la situation:

« Le fonctionnement du marché du travail n'est pas satisfaisant car il ne crée pas assez d'emplois, il génère des inégalités importantes entre, d'une part, des salariés très protégés en CDI et, d'autre part, des salariés très précaires en CDD et en intérim. » Manuel Valls



Depuis quelques mois germe l'idée de transformer le CDD et le CDI en un contrat de travail unique, solution notamment prônée par le prix Nobel d'économie Jean Tirole. L'objectif serait de faciliter l'accès à l'emploi en donnant de la sécurité aux salariés tout en permettant aux entreprises de mettre fin au contrat de travail plus facilement. Si les contours de ce nouveau contrat de travail se dessinent, plébiscité par de plus en plus d'économistes et par l'organisation patronale du MEDEF, c'est sans compter sur le refus catégorique de la plupart des syndicats et du parti au pouvoir. L'affaire n'est pas encore réglée ni engagée.

Une mesure pour contourner

Si s'attaquer de manière frontale à la question du contrat de travail est devenu presque mission impossible en France, le gouvernement emprunte des chemins de traverse pour faire tout de même avancer la situation: dans le catalogue de 18 mesures présenté mardi par le premier ministre figure ainsi une disposition visant le contrat de travail. En effet, comme mentionné dans la mesure n°4, il sera désormais possible de renouveler deux fois un CDD ou un contrat d'intérim (dans la limite de 18 mois) contre une fois jusqu'à présent. Une manière déguisée d'autoriser un chef d'entreprise à conserver un salarié même si il ne se sent pas prêt à lui offrir un contrat à durée indéterminée.

Si dans un récent sondage pour les Echos 45% des français interrogés étaient enclins à la "création d'un CDI avec facilitation de licenciement en cas de difficultés économiques de l'entreprise", ils étaient bien plus nombreux à être favorable à un allongement du CDD ou à la possibilité de le renouveler (64% dans les deux cas), une flexibilité du contrat de travail en somme.
Comme dans beaucoup de domaines, des réflexions mériteraient d'être menées. Seulement, qui dit réflexion implique un dialogue social et donc des syndicats. Le système actuel où les salariés sont très peu représentés par les syndicats et où les citoyens sont très peu représentés par les partis politiques bloque malheureusement toute tentative de réforme.

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