mardi 9 juin 2015

Retraites, la maison brûle #24

Dans un pré-rapport que s'est procuré les Echos, le Conseil d'orientation des retraites a  présenté un état des lieux des régimes de retraite ainsi que ses projections pour les années à venir. Tour d'horizon d'un sujet clé.


L'évocation du système des retraites français provoque généralement deux types de réactions: une indignation quand on évoque l'idée du projet d'une tentative de réforme ou alors un silence de cathédrale quand on n'a guère envie d'aborder cette question politiquement assez épineuse.
En la matière, tous les gouvernements sont passés par "leur réforme des retraites", François Fillon en 2003, Eric Woerth en 2010 ou encore Jean-Marc Ayrault en 2013.
Le problème de la réforme du système français des retraites est comme je viens de le montrer imputable à la gauche comme à la droite mais le dernier projet porté en 2013 par Marisol Touraine est assez emblématique. La ministre de la Santé (voir ci-dessous) s'est félicitée d'avoir assuré la survie du système par cette réforme qui prévoyait de passer la durée de cotisation de 41,5 ans à 43 ans à horizon 2035 tout en augmentant légèrement les cotisations patronales et salariales.
C'est en réalité surtout porté par la volonté d'assurer une retraite à 60 ans pour les personnes ayant eu une carrière longue (engagement électoral du président) que le gouvernement a réussi son coup politique.

Seulement on a appris moins d'un an après l'adoption de cette réforme que elle allait faire l'objet d'une remise à plat car son financement, bancal n'était déjà plus assuré: symptomatique de toutes les dernières "réformes" qui n'ont eu pour objectif que de repousser la question à défaut de régler vraiment la question.

Un système par répartition

Pour revenir aux fondamentaux, le système français des retraites fonctionne par répartition repose sur la solidarité inter-générationnelle, les actifs cotisant pour les retraités. Cela constitue le régime de base auquel s'ajoute une retraite complémentaire pour les salariés du privé gérée par l'ARRCO (pour les salariés) et l'AGIRC (pour les salariés cadres): ces deux organismes sont au coeur de l'actualité puisque l'on a récemment évoqué leur fusion ; ils n'auront en effet plus de ressources d'ici 2018 pour le premier et 2029 pour le deuxième.

Seulement, l'équilibre financier du système des retraites français n'est pas assuré. En 2012, les ressources de l'ensemble des régimes français de retraite atteignait 13,4% du PIB tandis que les dépenses étaient de 13,9%.
Oui vous avez bien lu, il y a plus de dépenses que de ressources ce qui n'est pas sans poser problème. Un facteur déterminant est le nombre important de personnes qui partent à la retraite chaque année ce qui diminue mécaniquement le rapport cotisant/retraité : il était de 4 pour 1 en 1960 et désormais de 1,4 cotisant pour une personne à la retraite.
Des trois principaux leviers, augmenter les cotisations (et donc baisser les salaires), baisser les pensions de retraite ou allonger la durée de cotisation, c'est ce dernier qui serait certainement le plus efficace même si politiquement difficilement applicable. A la lecture de ces éléments, il est incompréhensible d'entendre des velléités (démagogiques ?) d'abaisser par exemple l'âge de départ à la retraite même si la question de la pénibilité, souvent liée, doit être posée.

Un rapport très rose 

Source: les Echos
Du pré-rapport du Conseil d'Orientation des Retraites dont nous avons pu avoir la connaissance, on peut retenir un enseignement: "Le compte n'y est pas".
Pour aller un peu plus loin, le COR établit différents scénarios qui dépendent d'une part d'une prévision de chômage et d'autre part de l'évolution des revenus d'activité (ou salaires).
On ne connait pas encore les détails du rapport final qui sera rendu prochainement mais si l'on se concentre sur le scénario central qui a donc des chances d'être retenu, il y a de quoi être étonné.
En effet, il considère que les retraites seront à l'équilibre en 2030 compte tenu d'une croissance des revenus d'activité de 1,5% et d'un taux de chômage à 4,5%, soit le plein emploi !

On peut se demander quelle est la crédibilité d'un tel scénario, même central quand le taux de chômage est actuellement de 10% (et autour de 7, 8% de manière structurelle) qu'il ne baisse pas significativement.

Un déni systématique

Depuis des années donc, on refuse de prendre des mesures courageuses dans ce domaine en déclarant que la réforme effectuée a sauvé le système (même si l'on est convaincu du contraire) avant de refaire la même chose 3 ans plus tard: une bombe à retardement, il serait temps de changer les choses.
On oppose souvent ce système de retraite par répartition au système par capitalisation (ou par points) que l'on retrouve au moins partiellement dans des pays comme la Suède ou l'Allemagne: il consiste à cotiser pour sa propre retraite et non pour celle des autres, le capital ainsi mis de côté permettant de générer des revenus supplémentaires.
Le capital sera lui confié à des fonds de pension, organismes qui gèrent ces retraites par capitalisation et qui investiront ces sommes (sur les marchés financiers par exemple): les leçons des crises financières précédentes ont semble-t-il été retenues et permettent aux épargnants de ne pas perdre leur épargne en cas de faillite du fond en question et par la mise en place d'assurances. De plus cet argent peut être placé et utilisé pour alimenter l'économie réelle et donc la croissance de son pays !

Il faudra peut-être réfléchir à passer progressivement d'un système par répartition qui souffre de la configuration de la pyramide des âges et de conditions économiques moroses à un système par capitalisation, plus transparent et qui vient d'être décrit: de plus en plus d'experts se réunissent sur ce point même si les modalités divergent encore.

Réformer les retraites

La conclusion est donc sans appel: il faut réforme le système français en profondeur, le temps presse. Nous l'avons vu, de nombreux paramètres peuvent être ajustés ; en outre, il s'agit aussi de lever certaines questions tabous : dans un pays et avec un gouvernement qui prône l'équité entre les citoyens à tout bout de champ, comment accepter que la retraite d'un fonctionnaire soit calculée sur ses 6 derniers mois quand celle de son concitoyen qui évoluera dans le privé sera elle basée sur les 25 dernières années de carrière ? Quelle est la légitimité de régimes spéciaux (SNCF, RATP, marins, mines..) qui coûteront encore cette année 6,4 milliards d'euros à l'Etat ?

Espérons que sur cette question, le Conseil d'Orientation des Retraites saura être plus réaliste devant les défis qui sont les nôtres et que les responsables politiques sauront être à la hauteur de ces enjeux. Enfin, ils pourront affirmer: nous avons réformé, bien réformé. Nous ne pourrons que les en féliciter.

1 commentaire:

  1. Personnellement je ne placerai pas mon argent dans un fond de pension. Une infinitesimale partie de ces fonds investit dans l'économie réelle locale. Le reste qui finance d'ailleurs déjà notre système de rente globale (dont nos retraites of course) est dans un souci de rentabilité de l'ordre de la nanoseconde et en aucun cas de l'ordre de l'entretien long terme d'un système dont il n'a pas grand chose à faire. Il faudrait cadrer ces fonds de pension pour passer d'un modèle spéculatif court terme risqué qui drive l'ensemble de l'économie aujourd'hui, et que nous entretenons quand nous cherchons la rente, à un modèle d'investissement moyen/long terme ayant pour but la croissance avec un grand C.

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