jeudi 23 juin 2016

Heetch, Amazon, le statut quo à la française #34

Avec l'Euro de Football, le spectacle politique, l'été qui arrive, le contexte géopolitique, le référendum britannique, avouez qu'il est difficile de s'ennuyer en France en ce moment ! 
Notre pays a cette singulière capacité de produire des débats, feuilletons dont lui seul a le secret. Au point d'empêcher une quelconque ambition française ?

Dans les locaux de la startup "Heetch"

Vous avez sans doute déjà entendu parler d'Amazon, ce géant de l'internet qui compte 310 millions de clients et génère un chiffre d'affaires de 107$ milliards ou plus prosaïquement cet acteur qui vous livre votre livre préféré en deux jours dans votre boite aux lettres.
Celui dont la première lettre figure parmi un des acronymes les plus connus, GAFA ne cesse de se diversifier afin de poursuivre son développement : il vient de lancer à Paris son service de livraison en moins d'une heure, "Prime Now".
Le principe est simple, vous payez un supplément afin de vous faire livrer rapidement parmi les quelques 22 000 références accessibles à ce service. Rien de bien nouveau puisque ce service existe déjà dans 44 villes de par le monde pour les abonnés à "Amazon Premium", dans la droite lignée du développement des services "drive" et de l'e-commerce (+16% sur le T1 2016 en France).

Oui mais voilà, après Uber Pop, Airbnb, la mairie de Paris s'attaque à Amazon et à sa nouvelle offre de livraison, évoquant des motifs logistiques, environnementaux et enfin de concurrence déloyale relative aux conditions (impôts..) dont bénéficierait l'entreprise.
Outre le fait que ce service soit légal et permette aux Parisiens qui n'ont pas de voiture de pouvoir se faire livrer (et donc de limiter les émissions de Co2!), il viendra en réalité difficilement concurrencer le petit commerçant puisqu'il existe un panier minimum de 20€ : difficile d'acheter sa baguette de pain donc.

La saga Heetch

Il est plus probable que vous ne connaissiez pas "Heetch", cette plateforme de transports entre particuliers à destination des jeunes parisiens, habitant en banlieue et désirant pouvoir profiter des nuits parisiennes. Quelle différence avec un taxi me direz vous ? Nous sommes plus proches de la "sharing economy" que d'un service traditionnel de transport puisque le tarif n'est pas fixe mais déterminé par le passager et que les chauffeurs ne sont pas professionnels. Le service présente l'avantage substantiel d'aller dans les endroits les plus reculés, là où les taxis ne vont plus et surtout pas à des heures aussi tardives.
Ce sont cette fois-ci les chauffeurs de taxi qui ont attaqué en justice les deux jeunes dirigeants de cette société française pour une concurrence qu'ils jugent illégale.

Une France à l'arrêt

Ces deux actualités récentes sont révélatrices d'une attitude française de réticence au changement, de surcroît quand ce dernier nous affecte personnellement.
La révolution numérique a déjà commencé depuis quelques années et nous en sentons à peine les premiers effets aujourd'hui. Elle offre des possibilités qui n'existaient pas jusqu'à présent déroutant tous les acteurs en place, obligés de se réorganiser pour ne pas disparaitre.

Nous ne reviendrons pas sur la situation économique de la France, qui survit grâce à un tissu d'entreprises performantes évoluant dans un cadre économique défavorable au niveau national (législation) et plus que favorable au niveau international (pétrole, baisse de l'euro, taux négatifs).
Toujours est-il que nous avons besoin de trouver des réserves de croissance afin de créer les emplois nécessaires à une sortie de cet insupportable chômage de masse qui frappe notre pays.
A ce titre, les débats sur la Loi Travail ont confirmé l'impuissance politique face à ces enjeux, incapable de comprendre ce monde qui arrive et de l'expliquer quand il semble déjà tellement loin de celui que nous vivons actuellement.
C'est alors que des initiatives privées se créent afin de générer de la valeur ajoutée ("Amazon Prime Now"), de l'emploi ("Heetch") et du progrès. 

Le vieux réflexe français

A quoi ressemblera la profession de taxi demain ? Et qui doit en décider ?

La première réaction que l'on voit est une levée de bouclier spectaculaire, dont Anne Hidalgo, certains syndicats et d'autres se font les porte-paroles. Aucune proposition n'est faite pour répondre aux problématiques économiques et l'on se contente de s'opposer à tout ce qui arrive, puisque c'est nouveau et forcément générateur de dumping social, de régression économique.
Au lieu de réfléchir à collaborer avec ces nouvelles plateformes pour faire par exemple participer les commerçants parisiens à l'initiative d'Amazon, on s'oppose et…c'est tout !
Vous avouerez qu'en terme de vision, on a connu mieux.

C'est cette impression que l'économie française fonctionne indépendamment des autres qui domine, que notre pays a tout compris et qu'il a donc des leçons à donner aux autres, que les leviers budgétaires sont toujours actionnables afin de palier au manque de courage politique, que les vieilles recettes sont toujours efficaces en somme.
La réalité est que le monde se transforme à une vitesse impressionnante, que les équilibres mondiaux sont bouleversés et que les économies doivent s'adapter (pas à n'importe quelles conditions) sous peine de rester en queue de peloton.

Devant ces changements, la puissance publique se retrouve coincée entre une légifération à outrance et une libre régulation du marché. Bien évidemment, cette deuxième option fait bien trop peur et l'on se replie sur la première, rassurant ainsi tous les acteurs en place qui peuvent rester au chaud.

Ces prises de position m'interpelle et c'est pourquoi je demande : où est ainsi l'ambition française quand la seule perspective d'avenir est le statut-quo ? Qui parle aujourd'hui de mener notre pays aux premiers rangs mondiaux ? Qui est responsable de cette résignation que ne partagent pas du tout les créateurs d'entreprises et comment la transformer en énergie positive ?
Il est temps de se réveiller, avant que Amazon, Heetch et Uber, les Etats-Unis et la Chine finissent par nous manger.