mardi 8 novembre 2016

Les 3 questions fondamentales sur le travail #37

Le travail. A l'évocation de ce mot, les poils se hérissent, les craintes, les enthousiasmes également. Quelle est donc cette notion qui divise profondément, sur son objectif, ses formes et ses développements futurs ? Décryptages autour de trois points clés.


Quel sens pour le travail ?

L'exemple français des 35h qui ont été adoptées dans les années 2000 révèle de manière sous-jacente deux visions du sens du travail. La première consiste à considérer le travail comme une aliénation, ce qui n'est pas sans faire écho à la théorie marxiste. L'homme subit son travail et il faut donc absolument qu'il sen libère. Il est compliqué de nier le caractère difficile de certaines tâches et l'économie actuelle qui est source de précarité pour certains travailleurs ne semble pas nous aider à contrer cet argument ! Elle a donc le vent en poupe.
De l'autre côté, il y a ceux qui pensent que l'être humain s'accomplit par son travail. D'une part cela lui donne (normalement) la capacité de subvenir à ses besoins, mais également de s'insérer dans la société en ayant des relations sociales, une reconnaissance, une dignité. Il suffit de voir les ravages du chômage compte tenu de ces caractéristiques pour s'en assurer. C'est d'ailleurs frappant de voir certaines personnes qui étaient jusque là dans le "système" changer totalement d'orientation, comme Jean Moreau que j'ai découvert récemment, ou encore des personnes qui, la quarantaine passée décident de quitter leur métier pour lancer leur activité, s'occuper d'une ferme. 

N'est-ce pas symptomatique d'une recherche de sens dans le travail ? N'a-t-on d'ailleurs pas tous au fond de nous cette aspiration quelque soit la réalité du monde du travail ? La financiarisation de l'économie, son expression dans des indicateurs de tous genres censés décrire des réalités ne nous éloigne-t-elle pas du véritable travail ? Comment comprendre que l'économie se développe mais que ceux qui nous nourrissent, travaillent la terre n'arrivent plus à subvenir à leurs besoins ? Sommes-nous vraiment différents de la machine quand notre seul objectif (ou celui qui nous est imposé) est, non pas un sens, mais un résultat, une productivité ? Rechercher un sens en dehors du travail est louable, mais n'est-ce pas refuser d'appréhender cette réalité ?

Dans le débat français sur les 35h (voire 32h pour certains maintenant) et la durée du temps de travail, on pose de manière évidente la question de la quantité de travail disponible qui obligerait à le partager mais on oublie de répondre à une aspiration plus profonde de l'homme, sur le sens de son travail. Alors oui, une argumentation répandue consiste à penser que puisqu'un système ne fonctionne pas parfaitement il faut le changer complètement. Le libre échange à des effets pervers alors enfermons nous dans le protectionnisme ! 

Comme le dit très bien Pierre-Yves Gomez (économiste et président de l'Institut Français de Gouvernement des Entreprises) :  
"Il faut distinguer le travail et la condition du travailleur. Le travail rend libre, émancipe par essence. [...] Mais autre chose est la question du travailleur. Les mêmes raisons qui font que le travail libère peuvent conduire le travail à devenir au contraire un facteur d'aliénation, selon la façon dont il est exercé. Le travailleur est aliéné quand il est mis dans des conditions telles qu'il n'agit pas sur son environnement, qu'il est soumis à lui, qu'il en est totalement dépendant. Aliéné aussi quand, au lieu de développer ses talents, le travailleur doit les ignorer ou les détruire. Aliéné encore si la condition de travailleur rend dépendant d'un petit chef, d'une structure, d'un résultat, d''exigence sur lesquelles on a aucune prise et qui sont telles qu'au lieu d'être dans une relation d'interdépendance on est soumis aux normes. Aliéné enfin et surtout quand le travailleur perd la capacité à donner du sens à son travail, qu'il n'en voit pas la finalité. Quand il n'en a plus l'intelligence.."

Quel périmètre pour le travail ?

Alors nous pouvons, en lien avec cette première question, nous interroger sur ce qu'est le travail. De quoi parlons-nous ? 
Aujourd'hui, le concept de travail vit des heures difficiles, avec les différentes formes qui se développent, le travail indépendant, la dématérialisation de l'économie. Nous considérons que seul le travail marchand est véritablement pertinent, et constitue la richesse de nos économies ; si votre activité ne produit pas de résultats, de capacité à dégager un salaire, à quoi bon la continuer ?
Hors, d'une part le travail couvre désormais des réalités plus diverses, mais il va devenir de plus en plus rare avec l'automatisation des processus, même si nous ignorons l'échelle de grandeur.
Partant de ce postulat, pourquoi l'homme devrait s'adapter au travail et pas l'inverse ? Pourquoi le travail devrait se résumer au travail rémunéré en organisation ? Pourquoi ne pourrions nous pas imaginer valoriser certaines activités, comme le travail associatif, d'interêt général qui permettraient de faire rentrer les gens dans l'activité et de créer de la valeur ? En quoi le travail domestique (qui est rémunéré quand il est effectué par des professionnels) ne pourrait pas devenir une forme d'activité valorisée demain ? A ce titre, Pierre-Yves Gomez ajoutait récemment une analyse très pertinente : 

"Une des thèses que j'essaie de défendre dans mon livre, c'est qu'il ne faut pas considérer le travail uniquement sous l'angle du travail en organisation ou du travail rémunéré. Une part très importante du travail que nous effectuons est non rémunérée, sans doute la moitié du travail que nous effectuons. Ça commence par le travail domestique, le plus capital pour construire une société, celui de la maison, qui se dit oikonomia en grec (oikos, maison et nomos, la règle) et qui a donné le mot économie. L'économie, c'est essentiellement la gestion de la maison! Heureusement qu'il y a du travail domestique qui fabrique des communautés familiales, crée des solidarités."
Quel futur pour le travail ?

A l'heure de la transformation numérique, le travail comme nous le connaissons et le considérons risque d'être fortement impacté, dans sa forme et son volume. Je pense qu'il s'agit d'une opportunité fantastique de réfléchir sur les deux points précédemment expliqués, compte tenu également de le véritable crise qu'il traverse actuellement. Quel sens et quel périmètre voulons nous donner au travail ? En quoi permet-il de faire communauté et donc société ? Quel est la place du travail dans notre projet collectif ? Quel est la place de l'humain ? 

Ces réflexions ne seront pas veines quand il s'agira d'affronter frontalement la question du transhumanisme.

Pour cela il faut repenser le travail de manière globale quand aujourd'hui notre horizon se limite à considérer le consommateur et le producteur, avec comme conséquence une schizophrénie absolue quand le premier demande flexibilité, prix bas, rapidité et que le deuxième (qui peut être la même personne!) quand il est travailleur ne supporte pas ces trois caractéristiques qui le rendraient "aliéné".

Sommes nous prêts à repenser le travail ? Il y a urgence, il permet à l'être humain de trouver un sens à sa vie, au monde, sa dignité également. En France par exemple, le travail permet de financer notre système social : entend-on dans les débats politiques la présence d'une réflexion sur le travail (quand on connait la transformation de l'économie) et de son impact sur notre niveau de prestations sociales par exemple ? On peut dérouler ainsi le fil, la réalité est que des questions d'ordre philosophique se posent, et qu'elles doivent faire l'objet de débats de société. A quoi servons-nous si nous ne pensons plus le monde ?
On ne peut pas dire que le système dans lequel nous évoluons mette l'humain à la première place, et c'est un drame. C'est plus la question de savoir à quel point l'être humain, doté d'un sens critique hors norme, d'une capacité d'appréciation, est capable d'affirmer que le sens donné au travail aujourd'hui ne le satisfait pas. Un citoyen engagé, un employé engagé parce qu'ils trouvent du sens dans ce qu'ils font, dans leur capacité à transformer la réalité, n'est-ce pas ce qu'il y a de plus beau et de plus noble ? 
En ne pensant pas le travail, le risque est que nous nous aliénions nous-mêmes.

mardi 1 novembre 2016

Ne rêvez pas, le chômage ne baissera pas ! #36

L'homme politique a un objectif, vous commercialiser son projet afin d'emporter la mise à la prochaine élection. Certaines fois, il a tendance à faire preuve d'outrecuidance, et c'est notamment le cas sur le chômage.


Le chômage justement, il est la première préoccupation des français, si vous considérez que le terrorisme arrive en deuxième position. Et si les politiques ont la capacité de tordre la réalité pour la plier dans leur sens, les chiffres et la rationalité économique n'ont que faire de leurs prétentions.

Je vais me prêter à un exercice peu répandu dans les médias, et comparer les déclarations de notre personnel politique à la réalité incarnée par ce que l'on appelle des faits. Oui parce que parfois il n'est pas forcément évident que nous vivons dans la même, réalité.
A l'origine, notre président de la République s'est toute de même permis de parier sur "l'inversion de la courbe du chômage" comme condition d'une candidature en 2017, parce que non l'élection d'après n'est pas son seul objectif, enfin si. Vous me suivez ?
Ensuite, Michel Sapin son ministre de l'économie et des finances a successivement affirmé que l'inversion de la courbe était à leur portée, avant de la confirmer en décembre 2013. Dont acte.
Enfin, le président de la République a solennellement déclaré le désormais célèbre : "ça va mieux", comme si le peuple français était suspendu à cette déclaration pour enfin s'en rendre compte. En tout cas, d'un point de vue du récit politique, j'ai envie de dire : merci pour ce moment !



Remarquez tout d'abord que les chiffres, l'information ont pris le dessus sur la réalité avec cette promesse présidentielle. Comment parler d'une réalité en employant des chiffres, et uniquement des chiffres ? Habitués à brasser des milliards, à les déplacer en bougeant des curseurs, n'ont-ils pas perdu toute notion de la "vraie vie des français" comme disait Emmanuel Macron ? Je doute qu'il existe autre chose que la vraie vie en fait, du moins jusqu'à ce que Elon Musk ait mis les pieds sur Mars..tremblez politiques !
Nous ne ferons pas ici l'offense de rappeler que..un candidat à la primaire de droite a réussi à sous-évaluer le prix d'un pain au chocolat dans une proportion de 1 à 10 ! Même si nous n'attendons pas d'eux qu'ils soient au fait de tout, cette déconnexion, cette outrecuidance nous font mieux comprendre à quel point...quelques centaines de milliers de chômeurs de plus ne sont pas un drame.

La vraie vie des vrais gens

Avant de revenir sur les chiffres du chômage, prenons quelques faits qui participeront à rétablir une vision plus prosaïque de la pauvreté et de la précarité en France :
- entre 5 et 8,8 millions de pauvres (suivant les définitions) dont 1 million de plus sur les dix dernières années,
- 1 personne sur 7 sous le seuil de pauvreté (60% du revenu médian qui est de 1 679€, chiffres INSEE),
- 1,87 million de foyers bénéficient du RSA (chiffres CAF),
- 3,8 millions de personnes souffrent de mal-logement (chiffres fondation Abbé Pierre),
- 2,8 millions de personnes sont sans emploi (chiffres INSEE).

On continue ?

Il est souvent dit dans le débat public que la France ne veut pas ressembler à l'Allemagne qui a fait baisser son niveau de chômage mais a augmenté la précarité. Et bien en France nous avons les deux !
Il n'existe pas de solutions miracles et chaque pays a ses spécificités, mais rien n'a été fait ces dernières années pour conjurer ce chômage et cette précarité de masse. Et affirmer même avec beaucoup de force "nous ne voulons pas ressembler à l'Allemagne" ne redonne pas du travail aux français, au risque de décevoir certains.

Les chiffres du chômage

Alors vous le savez sûrement (ou sinon allez voir par ici), les chiffres du chômage sont discutés, beaucoup discutés mais il en existe en réalité deux différents ! L'Insee calcule trimestriellement un taux de chômage selon le Bureau International du Travail (BIT) permettant les comparaisons internationales tandis que Pôle Emploi enregistre mensuellement les personnes sans emploi venant s'inscrire chez lui, avec des imprécisions liées au mode de calcul qui change régulièrement.

En France, les politiques s'acharnent sur ces chiffres et particulièrement sur ceux de Pôle Emploi, sacrifiant le long terme et la vue d'ensemble pour l'analyse "courtermiste" avec une absence de réelle politique de l'emploi, sinon quand il s'agit d'en subventionner une partie.
Premièrement, on fera remarquer que les dépenses (et les bénéficiaires) sont toujours faciles à annoncer (et à trouver), bien plus que les économies et deuxièmement que c'est un plaisir pour nous les citoyens, de voir le gouvernement gesticuler autour de chiffres mensuels qui peuvent d'un mois à l'autre dire tout et leur contraire (pardonnez cette formule alambiquée). L'arroseur arrosé.
Dernière innovation en date, le gouvernement souhaite mensualiser les données trimestrielles de l'Insee, ça alors. Comme si notre politique économique était trop stable et souffrait de trop peu de cour-termisme !



Que nous dit l'économie ?

Face à ce qui s'apparente à une opposition fondamentale entre une réalité qui n'a rien de rose et un personnel politique qui essaye tant bien que mal de jongler avec ses dernières cartes, l'économie a pourtant une réponse claire, qui si elle était intégrée, vous aurait fait l'économie (c'est le cas de le dire) de lire le début de mon billet.

En France, 160 000 personnes rentrent chaque année sur le marché du travail et il faut donc non seulement compenser les emplois qui se détruisent ce qui est un processus de création destructrice normal en économie mais également absorber toutes ces nouvelles entrées. Pour cela il faut que la croissance de l'activité (représentée par le PIB) soit suffisante.
De plus, si les français sont plus productifs et que la demande pour ces biens n'augmente pas, et bien il faudra dorénavant moins de travailleurs pour effectuer la même tâche : ce sont les gains de productivité.

Si vous analysez ces deux informations, les économistes ont une sorte de consensus qui consiste à dire que la croissance économique doit être supérieure à de 1,5% pour que l'économie française recrée de l'emploi. Cette phrase même si elle est un peu simpliste devrait être récitée tous les jours à l'assemblée nationale et chaque semaine au conseil des ministres.
Bien sûr ce taux est spécifique à notre pays du fait de sa population active et de ses gains de productivité. En Allemagne par exemple, on estime qu'il y a chaque année 100 000 personnes de moins sur le marché du travail, et donc qu'une croissance de 1,1% suffirait à créer de l'emploi.

Que nous dit la croissance française ?

Si vous avez suivi le raisonnement, vous comprenez que nos affaires commencent à se compliquer.
Pourquoi ? L'Insee a revu à la baisse la croissance de la France qui ne devrait pas dépasser 1,3% pour l'année 2016 alors que sa dernière prévision était de 1,6%.
Bien sûr, aucun responsable politique ne vous le dira, mais dans ces conditions macro-économiques, structurelles, le chômage ne peut pas baisser ! Si quelqu'un vous annonce le contraire, regardez de plus près s'il fait des études (poussées) d'économie auquel cas il se pourrait que des théories de l'emploi n'aient pas encore été révélées rendant cette personne immédiatement "nobelisable".
Dans le cas contraire (probabilité de 9/10), oubliez son avis et intéressez-vous (ou intéressez-le) aux véritables mécanismes économiques qui permettent aux entreprises de créer de l'emploi : confiance, investissement, croissance.
Les variations mensuelles analysées avec beaucoup d'efforts par nos dirigeants ne correspondent en rien à des tendances de fond, encore moins à un recul du chômage de masse, c'est frictionnel !
Certains vous diront que le taux de chômage selon l'Insee a reculé de 10,2% à 9,9% au deuxième trimestre et que la courbe s'est donc inversée. Je leur répondrais que en toute honnêteté intellectuelle les conditions ne sont pas réunies pour faire reculer le chômage, et c'est le structurel qui nous intéresse !

On a souvent voulu décréter, du haut d'une tour d'ivoire, comment devait se comporter l'économie française. Il s'avère que, premièrement cette analyse fait fi de la réalité (parfois très dure) vécue par des millions de français, deuxièmement il n'y aura pas de salut sans une bonne dose d'humilité, de confiance dans les français et dans ceux qui créent ou peuvent potentiellement créer de l'emploi. On évoque souvent des chefs d'entreprises, mais parle-t-on de tous ceux (vous, moi?) qui pourraient demain créer de l'emploi de proximité, des startups qui ne grandissent pas, des PME qui ne deviennent pas ETI, tout cela si les charges qui pesaient sur le travail, la bureaucratie n'étaient pas des facteurs aussi lourds ? Non vous ne les verrez jamais dans le viseur, et pourtant les français débordent d'énergie et de créativité.

N'écoutons pas les vendeurs de rêve, retroussons-nous les manches, et avançons pour le bien commun, un jour nous serons en capacité de rendre aux français leur dignité, et particulièrement à ceux qui pâtissent le plus de l'irrationalité de nos politiques politiciens, sur le chômage comme sur d'autres sujets majeurs, et ce depuis des décennies.


jeudi 1 septembre 2016

De la nécessité de retrouver la valeur des choses #35

Si les mutations de notre économie sont nombreuses, les questions du progrès réellement engendrés et de notre capacité à les intégrer demeurent. 

Mesurer la valeur des choses : plus si facile que cela.
La constitution du prix

En économie, il existe plusieurs manières de déterminer le prix d'un bien. De manière générale et dans un marché parfait, le prix est fonction de la demande, ce qui signifie qu'elle réagit aux variations de celui-ci. Plus le prix d'un bien est élevé et plus la demande sera faible, ce qui est généralement le cas pour les "biens de luxe".
De la même manière, si votre boulanger fixe le prix de sa baguette de pain à 5€, il est probable que l'effet sur sa clientèle habituelle se fasse rapidement ressentir.

Dans la réalité, le prix des biens varie en fonction d'un certain nombre d'indicateurs dont le principal est généralement le coût. Le prix d'un bien reflète en effet en grande partie la valeur de ce bien et donc ce qu'il a coûté. On nomme cela le "coût de revient" qui soustrait au prix de vente équivaut à la marge dégagée. Ce principe est néanmoins à nuancer avec la puissance des marques qui nous fait acheter bien plus que des produits ; elles nous vendent une histoire, une image comme c'est le cas d'Apple par exemple. C'est la force du marketing.

Au-delà des logiques comptables, on observe que la valeur des biens et services est également guidée par une relation de confiance. Ainsi vous n'achèterez pas un bien si vous ne croyez pas qu'il est de bonne qualité par exemple. La confiance et la stabilité sont au-delà des aspects techniques, cruciaux en économie et ce sont d'ailleurs deux paramètres qui ont du mal a être considérés comme tels par les dirigeants politiques, dont les décisions fluctuent au grès des évènements. 

Un monde qui s'accélère

Il faut pour bien comprendre la problématique du prix et de la valeur des choses l'inscrire dans un contexte. Nous avons déjà évoqué le sujet dans plusieurs articles mais nous vivons une accélération sans précédent de notre éco-système (au sens large) appuyée par la révolution numérique en cours et celle des NBIC (Nano-technologies, Biologie, Informatique et Cognitive) qui ne fait que débuter. Elle est à la fois très vertueuse et déstabilisatrice tant elle remet en cause nos conceptions de la société, du rapport aux autres, du travail. 
Qui pouvait imaginer il y a encore quelques années un monde qui ne trouve pas la croissance ? Une fin certes illusoire à ce jour mais annoncée du salariat pour le travail indépendant ? Une économie collaborative qui se développe de façon exponentielle ? Une automatisation des voitures qui se précise de mois en mois ? 
Ces révolutions ne doivent cependant pas se faire sans une approche responsable au risque de complètement diviser les peuples en deux camps : ceux qui auront les moyens d'évoluer en compétence, de s'adapter rapidement, de payer peut-être pour profiter des progrès technologiques afin de vivre plus longtemps et ceux qui seront laissés pour compte, incapables de profiter de cette "révolution".

C'est donc inéluctable : tout s'accélère ! L'ère médiatique nous fait rentrer dans une instantanéité qui coupe bien souvent l'herbe sous le pied de ceux qui pensent encore qu'une réflexion approfondie est possible. Les débats politiques actuels en France ne sauront montrer le contraire. Aujourd'hui, on parle vite, on réagit vite, on produit vite, on construit vite, on consomme vite, on détruit vite. Mais le fait-on mieux ?
Pour l'instant, l'homme feint de suivre mais ne nous faisons pas d'illusions ; avec la révolution des NBIC à venir, sans contrôle ni réflexion éthique il sera bien loin de cet état où il semble actuellement "profiter".

La guerre des prix

C'est alors que nous revenons à la question de la valeur des choses qui ne peut être abordée qu'a l'aune de l'époque dans laquelle nous vivons. S'il peut être influencé par le niveau de la demande, par la marque comme nous l'avons vu, le prix peut également l'être par le consommateur.
Nous observons une tendance déflationniste (baisse générale des prix) assez marquée dans bon nombre de secteurs tels que la vente à distance, l'agro-alimentaire et les produits de grande consommation : la guerre des prix fait rage !
Aujourd'hui vous trouverez insupportable de payer des frais de port, un forfait de téléphone à prix coûteux, d'attendre pour recevoir une commande, bref de ne pas pouvoir faire ce que vous voulez dans le temps (souvent très court) que vous avez fixé et au prix (souvent très faible) que vous avez décidé.

Les nouvelles plate-formes, l'économie du numérique et l'internet participent à brouiller les frontières entre le payant et le gratuit.

Ce mode de pensée consumériste est pour moi une aberration, conséquence d'une méconnaissance économique profonde et d'un manque de cohérence. Elle procède d'une vision très "court-termite" et étroite de la réalité négligeant la totalité de la chaine de valeur. Certaines grandes organisations s'engouffrent dans ces brèches en produisant à perte comme c'est le cas d'Uber qui a perdu 1 milliard de dollars sur les six premiers mois de l'année de par son activité (mais qui bénéficie de beaucoup d'apport en capital) ou encore d'Amazon dont la rentabilité est très faible voire inexistante.

Lien entre consommateur et producteur

Alors ces évolutions sont une bonne et une mauvaise nouvelle. Une baisse des prix peut être le signe d'une concurrence saine car quand plusieurs acteurs évoluent sur un marché, le prix tend à se fixer en fonction de l'offre et de la demande. La fin des prix élevés dans la téléphonie a été rendue possible en France avec l'arrivée d'un nouvel acteur, Free, sur le marché.
De l'autre côté, la baisse des prix si elle n'est pas justifiée peut s'avérer très dangereuse, une sorte d'illusion des temps modernes qui nous fait déconsidérer, in fine, la valeur des biens et des choses !

En terme de macro-économie, on peut parler de ce sujet à propos de la création monétaire qui, dopée par les banques centrales (BOJ, FED, BCE) produit une masse d'argent sans précédent déversée dans le système monétaire (à défaut d'atteindre l'économie réelle) et qui, dans un mouvement de fuite en avant, participe à faire perdre à ces monnaies leur valeur.
La valeur des choses est également dévoyée dans le trading à haute fréquence (THF) où les traders échangent (ou spéculent) des titres toutes les microsondes, bien loin encore une fois de la réalité de l'économie que vous voyez comme moi.

L'accélération est donc avérée, mais ces réflexions visent à questionner son caractère vertueux et à regarder les choses de manière très pragmatique. Il est difficile dans le débat public de poser une réflexion qui ne va pas dans le sens du consensus sans être taxé de rétrograde. Le libéralisme s'accomoderait-il de la liberté de penser ? Regardez plutôt.

On entend souvent dire que dans la mondialisation, pour qu'il y ait un vainqueur il faut un perdant. Prenons un exemple à l'échelle nationale et donc macro-économique. Si vous avez un commerce extérieur déficitaire comme en France (à 45 milliards d'euros en 2015), cela signifie que vous importez plus que vous exportez ; pour cela il faut que quelqu'un d'autre soit excédentaire. C'est le cas de l'Allemagne qui était en excédent de...248 milliards d'euros sur la même période !
Cette comparaison a vocation à montrer que, de la même manière, la baisse des prix et la chasse aux coûts, si elle fait des vainqueurs fait aussi des perdants même si nous ne le voyons pas (naïveté) ou ne le disons pas (hypocrisie). 
C'est ainsi que Nicolas Arpagian portait une analyse intéressante dans les colonnes des Echos cette semaine :

"A déconsidérer le prix, on mine la notion de valeur qui est associée au bien ou au service concerné. Cette posture est certes confortable dans la position de l'acheteur, qui semble mener la danse. Mais elle l'est moins quand on se trouve en tant qu'offreur pris dans cette spirale des enchères inversées. [...] Le salaire décent auquel chacun aspire ne peut trouver son financement dans une quasi-gratuité systématisée. En outre, la marge constitue le fondement des investissements futurs et des réserves permettant de traverser les inévitables aléas de la vie des affaires. Sans elle, l'avenir est moins préparé et la première difficulté peut s'avérer fatale." Nicolas Arpagian

Cette recherche du "low cost" à tout prix aurait-elle une conséquence directe sur nous ? Pour continuer sur cette voie qui nous pousse en tant que consommateur à rechercher le prix le moins cher en faisant parfois totalement abstraction des coûts réels, il faudra accepter qu'elle ait pour conséquence un nivellement par le bas de nos sociétés avec une stagnation des salaires due à des gains limités. Si les conséquences immédiates sont dans un premier temps pour les pays émergents, nos économies commencent à en ressentir les effets. Ainsi, le chancelier Helmut Schmidt prononçait en 1974 cette phrase désormais célèbre :

"Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain"  Helmut Schmidt

A terme et dans cette logique, ce sont même les humains qui disparaitront du monde du travail comme le prévoit Uber, l'automatisation étant le moyen ultime de réduire les coûts et donc de se libérer de cette "contrainte" que représente l'homme.

Se poser les bonnes questions

Toutes ces évolutions ne peuvent pas être prises à la légère et les modes de financement de l'économie, de ses entités et donc des individus qui la composent doivent être exposés de manière claire. C'est une question d'honnêteté intellectuelle. Une chose est sûre, l'économie a un grand impact sur les systèmes politiques, sociaux et humains et nos comportements en la matière peuvent préjuger d'une perte de repères pour les individus aujourd'hui, et les générations futures. Peut-être assumons nous en conscience, aujourd'hui que d'autres "trinquent" pour nous ? Peut-être ne souhaitons nous vivre l'égalité réelle que dans notre territoire, au détriment des conséquences chez les autres, pour l'environnement au sens large ?

La question demeure de savoir quel avenir nous voulons collectivement choisir, afin que la folie du temps, du prix et la négation des effets pervers engendrés ne se fasse pas au détriment de l'homme.
Il est temps de retrouver la valeur des choses et... la raison.


jeudi 23 juin 2016

Heetch, Amazon, le statut quo à la française #34

Avec l'Euro de Football, le spectacle politique, l'été qui arrive, le contexte géopolitique, le référendum britannique, avouez qu'il est difficile de s'ennuyer en France en ce moment ! 
Notre pays a cette singulière capacité de produire des débats, feuilletons dont lui seul a le secret. Au point d'empêcher une quelconque ambition française ?

Dans les locaux de la startup "Heetch"

Vous avez sans doute déjà entendu parler d'Amazon, ce géant de l'internet qui compte 310 millions de clients et génère un chiffre d'affaires de 107$ milliards ou plus prosaïquement cet acteur qui vous livre votre livre préféré en deux jours dans votre boite aux lettres.
Celui dont la première lettre figure parmi un des acronymes les plus connus, GAFA ne cesse de se diversifier afin de poursuivre son développement : il vient de lancer à Paris son service de livraison en moins d'une heure, "Prime Now".
Le principe est simple, vous payez un supplément afin de vous faire livrer rapidement parmi les quelques 22 000 références accessibles à ce service. Rien de bien nouveau puisque ce service existe déjà dans 44 villes de par le monde pour les abonnés à "Amazon Premium", dans la droite lignée du développement des services "drive" et de l'e-commerce (+16% sur le T1 2016 en France).

Oui mais voilà, après Uber Pop, Airbnb, la mairie de Paris s'attaque à Amazon et à sa nouvelle offre de livraison, évoquant des motifs logistiques, environnementaux et enfin de concurrence déloyale relative aux conditions (impôts..) dont bénéficierait l'entreprise.
Outre le fait que ce service soit légal et permette aux Parisiens qui n'ont pas de voiture de pouvoir se faire livrer (et donc de limiter les émissions de Co2!), il viendra en réalité difficilement concurrencer le petit commerçant puisqu'il existe un panier minimum de 20€ : difficile d'acheter sa baguette de pain donc.

La saga Heetch

Il est plus probable que vous ne connaissiez pas "Heetch", cette plateforme de transports entre particuliers à destination des jeunes parisiens, habitant en banlieue et désirant pouvoir profiter des nuits parisiennes. Quelle différence avec un taxi me direz vous ? Nous sommes plus proches de la "sharing economy" que d'un service traditionnel de transport puisque le tarif n'est pas fixe mais déterminé par le passager et que les chauffeurs ne sont pas professionnels. Le service présente l'avantage substantiel d'aller dans les endroits les plus reculés, là où les taxis ne vont plus et surtout pas à des heures aussi tardives.
Ce sont cette fois-ci les chauffeurs de taxi qui ont attaqué en justice les deux jeunes dirigeants de cette société française pour une concurrence qu'ils jugent illégale.

Une France à l'arrêt

Ces deux actualités récentes sont révélatrices d'une attitude française de réticence au changement, de surcroît quand ce dernier nous affecte personnellement.
La révolution numérique a déjà commencé depuis quelques années et nous en sentons à peine les premiers effets aujourd'hui. Elle offre des possibilités qui n'existaient pas jusqu'à présent déroutant tous les acteurs en place, obligés de se réorganiser pour ne pas disparaitre.

Nous ne reviendrons pas sur la situation économique de la France, qui survit grâce à un tissu d'entreprises performantes évoluant dans un cadre économique défavorable au niveau national (législation) et plus que favorable au niveau international (pétrole, baisse de l'euro, taux négatifs).
Toujours est-il que nous avons besoin de trouver des réserves de croissance afin de créer les emplois nécessaires à une sortie de cet insupportable chômage de masse qui frappe notre pays.
A ce titre, les débats sur la Loi Travail ont confirmé l'impuissance politique face à ces enjeux, incapable de comprendre ce monde qui arrive et de l'expliquer quand il semble déjà tellement loin de celui que nous vivons actuellement.
C'est alors que des initiatives privées se créent afin de générer de la valeur ajoutée ("Amazon Prime Now"), de l'emploi ("Heetch") et du progrès. 

Le vieux réflexe français

A quoi ressemblera la profession de taxi demain ? Et qui doit en décider ?

La première réaction que l'on voit est une levée de bouclier spectaculaire, dont Anne Hidalgo, certains syndicats et d'autres se font les porte-paroles. Aucune proposition n'est faite pour répondre aux problématiques économiques et l'on se contente de s'opposer à tout ce qui arrive, puisque c'est nouveau et forcément générateur de dumping social, de régression économique.
Au lieu de réfléchir à collaborer avec ces nouvelles plateformes pour faire par exemple participer les commerçants parisiens à l'initiative d'Amazon, on s'oppose et…c'est tout !
Vous avouerez qu'en terme de vision, on a connu mieux.

C'est cette impression que l'économie française fonctionne indépendamment des autres qui domine, que notre pays a tout compris et qu'il a donc des leçons à donner aux autres, que les leviers budgétaires sont toujours actionnables afin de palier au manque de courage politique, que les vieilles recettes sont toujours efficaces en somme.
La réalité est que le monde se transforme à une vitesse impressionnante, que les équilibres mondiaux sont bouleversés et que les économies doivent s'adapter (pas à n'importe quelles conditions) sous peine de rester en queue de peloton.

Devant ces changements, la puissance publique se retrouve coincée entre une légifération à outrance et une libre régulation du marché. Bien évidemment, cette deuxième option fait bien trop peur et l'on se replie sur la première, rassurant ainsi tous les acteurs en place qui peuvent rester au chaud.

Ces prises de position m'interpelle et c'est pourquoi je demande : où est ainsi l'ambition française quand la seule perspective d'avenir est le statut-quo ? Qui parle aujourd'hui de mener notre pays aux premiers rangs mondiaux ? Qui est responsable de cette résignation que ne partagent pas du tout les créateurs d'entreprises et comment la transformer en énergie positive ?
Il est temps de se réveiller, avant que Amazon, Heetch et Uber, les Etats-Unis et la Chine finissent par nous manger.

dimanche 3 avril 2016

Mais où va-t-on ? #33

Quel est le point commun entre la réflexion sur la pauvreté dans le monde, le dérèglement climatique et la situation géopolitique ? Que ce soit au niveau politique ou économique, il me semble que les principaux acteurs oublient aujourd'hui la question primordiale du sens.


"Mais où va-t-on ?"  


Cette question, tout un chacun se la pose avant d’entreprendre un projet, de prendre une décision importante, de se lancer dans une nouvelle aventure. L’objectif est ce qui donne sens à nos actions, il permet de transcender celui ou celle qui va les accomplir.
Elle peut sembler bien élémentaire, trop gentille, naïve et enfantine pour que l’on s’y intéresse. Et pourtant. Pourtant elle prend tout son sens aujourd’hui et le monde semble vouloir y échapper, comme si nous devions nous résigner, nous incliner devant les contraintes des temps présents.
Aujourd’hui, la jeunesse voit flou et émet des doutes sur la prospérité du monde qui s’ouvre devant elle. Je dirai de manière cynique, que les seules perspectives qui s’offrent à elle sont la pauvreté (chômage, précarité et inégalités), le dérèglement climatique et une instabilité géopolitique avec une menace terroriste grandissante.
Cette jeunesse ne comprend plus là où on veut l’emmener et a des raisons de s’indigner comme elle l'a montré cette semaine. Mais je pense que les causes profondes se trouvent plutôt dans ce système géré de manière calamiteuse, où nos aînés ont manqué de courage préférant le statut-quo à la construction d'un projet politique ambitieux à plus long terme.
Revenir aux fondamentaux
La réalité est que l’économie se détourne de plus en plus de ce pourquoi elle a été créée : « gérer la maison commune », c’est-à-dire gérer les ressources qui sont à notre disposition. L’économie a été créée pour l’homme et non l’homme pour l’économie ! 
L’économie est aujourd’hui trop idéologique, les libéraux contre les protecteurs, les riches contre les pauvres, les patrons contre les salariés. Nous nous focalisons trop sur ces clivages en oubliant de bâtir ensemble. 
On voit bien que l’absence de projet commun nous mène dans une impasse que ce soit au niveau national,  européen ou mondial : les  intérêts particuliers se substituant à une coordination entre les acteurs. Cela est clairement apparu par exemple lors de la gestion européenne de la crise des migrants ou encore dans la tentation du protectionnisme incarnée par le phénomène Donald Trump aux Etats-Unis. Tout cela devrait fondamentalement nous alerter.


Comment ou pourquoi ?

La question de fond, avant de débattre sur le comment de la réforme, du changement, de la solution, n’est-elle pas plutôt de s'interroger sur le pourquoi ? 

Au lieu de se demander comment le CICE va relancer l’emploi en France, si la BCE doit créditer les comptes bancaires des Européens avec 1300€ pour relancer la croissance, ne devrions-nous pas réfléchir à une vision pour nos sociétés ? Quelle croissance pour demain et comment la partager ? Comment lutter contre les inégalités ? Faut-il mieux avoir un travail mal payé que pointer à Pôle Emploi ? Comment envisager la question de la rentabilité dans nos sociétés ? Quelle protection sociale pour la France quand la nôtre, issue de la guerre correspondait à une situation de plein emploi ? Mais où va-t-on ? 
Pensez vous vraiment que ces sujets soient au coeur des débats ?
Nous esquivons en réalité ces questions fondamentales et observons entre autres : 
- une classe politique française qui ne cesse de renoncer, qui ne parle plus d’idées et qui essaye déjà de verrouiller les prochaines élections présidentielles.
- une Europe trop élargie qui peine à construire une vision commune, bien loin des valeurs de « dignité humaine, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté et justice » énoncées dans la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne en 2000.
- un système financier qui accumule dans la plus grande indifférence une dette monstrueuse (environ 3 fois la richesse produite) et qui par ailleurs entretient l'illusion d'un monde en bonne santé. Les banques centrales créent par exemple de la croissance artificielle en fabriquant de la monnaie ce qui a pour conséquence de tuer les notions de risque et de temps de l’argent. Comment comprendre en effet que certains Etats puissent s'endetter avec des taux d'intérêts négatifs ? Jusqu'où ira-t-on ?
Quel système adopter ?
Angel Gurria,
secrétaire général de l'OCDE
Il serait aberrant de jeter le bébé avec l’eau du bain en ne faisant que décrier ce système capitaliste qui a permis de sortir beaucoup de personnes de la pauvreté et d’accroitre le développement de pays en difficultés. Mais pourquoi ne pourrait-on pas le remettre en cause, le penser ou participer à son amélioration ?
Quand Angel Gurria déclare que « Les inégalités dans les pays de l’OCDE n’ont jamais été aussi élevées depuis que nous les mesurons », ne devrions-nous pas bondir de notre chaise ?
Quand nous voyons que chaque année 150 000 jeunes sortent du système scolaire français sans aucune qualification, de quel droit fermons nous les yeux sur cette question cruciale de la formation ?
Quand des milliards d'euros sont injectés dans les circuits financiers mais qu'aucune amélioration sensible n'est visible dans l'économie réelle, comment ne pas penser que le système n'est plus efficient ?
Il est temps de changer d'attitude, d’enlever le mot "résignation" de notre langage et de participer à l’élaboration d’une vision commune, d’un idéal politique qui englobera chacun d’entre nous.
Moi, jeune étudiant entrant dans la vie professionnelle ne peut me satisfaire de ce monde dépourvu d'idéal et pense nécessaire une réflexion autour des fondements de nos sociétés. 
Il s’agit de sortir de cette vision manichéenne dans laquelle nous aimons tant nous complaire et de rentrer dans une attitude responsable, réaliste, positive. Le monde est complexe mais l’homme oublie parfois que les bonnes solutions sont souvent les plus simples : remettons l’homme au centre du jeu !

dimanche 7 février 2016

Pour un social-libéralisme entrepreneurial ! #32

La France est à la croisée des chemins. Les mois, les années se suivent et se ressemblent et pendant que les politiques s'acharnent à ne pas réaliser les changements dont la société française a besoin (et qu'elle réclame), la croissance repart difficilement et l'emploi…stagne. La faute à une ligne politique et économique non assumée.

Macron, Valls : un social-libéralisme bien isolé
Les chiffres sortis il y a quelques jours par l'agence de notation Standard & Poor's auraient dû faire bondir les responsables politiques : de juillet 2013 à septembre 2015, la France a créé 57.000 emplois privés contre 482.000 pour l'Allemagne, 651.000 pour l'Espagne et même 288.000 pour l'Italie !
Ces chiffres à l'état brut démontrent une incapacité désormais chronique de notre pays à créer durablement de l'emploi. La France ne se décidera-t-elle jamais a faire les réformes structurelles dont elle a besoin ? Quand comprendra-t-on que tous les ingrédients sont réunis mais que la recette appliquée n'est pas la bonne ?

La France "pouf"

Sur l'année 2015, la France a réalisé 1,1% de croissance (contre 0,4% en 2014). Elle a bien été aidée par des facteurs exogènes plus qu'exceptionnels avec un pétrole qui tourne désormais autour des $30, des taux d'emprunts proches de zéro et même négatifs jusqu'à 6 ans et une baisse significative de l'euro. Ce sont à la fois des bonnes et des mauvaises nouvelles : bonnes d'abord parce qu'elles contribuent à alléger la facture payée par la France sur sa dette (taux faibles), sur son pétrole et à favoriser les exportations (baisse de l'Euro) : l'Insee a estimé que ces trois facteurs étaient responsables pour 0,8% de la croissance française de 2015.
Si ces effets commencent à présent à s'estomper, il faut dire qu'ils n'ont pas incité notre pays à se réformer et c'est bien là la mauvaise nouvelle : si votre banquier vous concédait un prêt à taux zéro ou mieux vous versait de l'argent pour financer votre crédit immobilier, pourquoi n'en profiteriez vous pas ?

Oui mais voilà, l'économie de notre pays est désormais en mode "pouf" : vous savez, ce fauteuil dans lequel on est si bien, installé on ne bouge plus. Mais lorsqu'il s'agit de se relever, c'est bien plus compliqué. La France a une bonne capacité à absorber les chocs grâce notamment à son système social mais a d'autant plus de difficultés à repartir par rapport à d'autres pays comme l'ont montrés les chiffres du chômage. Outre une préférence française bien connue pour le chômage, Eric le Boucher parlait également dans les Echos d'une préférence pour le non-emploi et la non-croissance.
Les mesures prises ces dernières années sur le front de l'emploi sont totalement déconnectées des enjeux que représentent ce scandale du chômage contre lequel on peine à s'indigner aujourd'hui : quand on vous parle de préférence française pour le chômage...

Devant les échecs successifs des différents gouvernements et face au discrédit qu'ils suscitent, on peut légitimement se poser la question de savoir par quelle voie la France va-t-elle sortir de ce marasme dans lequel elle est plongée malgré elle. Oui car il s'agit selon moi d'une erreur de lecture, d'un problème de logiciel périmé qui ne sait plus lire les signes des temps présents.
La France ressortirait grandie si elle entendait cette phrase de Tony Blair qui disait : "La gestion de l'économie n'est ni de gauche ni de droite, elle est bonne ou mauvaise". Les enquêtes d'opinion nous montrent en ce sens que les français sont bien plus matures et enclins au changement que l'on ne voudrait le croire.

Emmanuel Macron, ce ministre qui redore l'image de la France à l'international…et pas que ! 





Aujourd'hui, l'économie est marquée par deux idéologies : celle de gauche qui prône l'égalitarisme à tout bout de champ sans bien que l'on comprenne d'ailleurs ce qu'il représente aujourd'hui ni comment et pourquoi elle compte l'atteindre et celle de la droite qui n'ayant (presque) pas agi lorsqu'elle était au pouvoir se réveille avec des mesures pro-business dont l'amplitude est tellement grande qu'on se demande avec quelle crédibilité et quelle vision elles seront déployées.
Le gouvernement, élu sur un programme de gauche a délibérément changé son cap avec l'arrivée de Manuel Valls et d'Emmanuel Macron au ministère de l'économie : ainsi émerge ce que l'on appelle un social-libéralisme qui n'est pour l'instant guère assumé car pris en étau entre une majorité gouvernementale qui en conteste l'orientation et des français qui contestent les résultats notamment sur le front de l'emploi.
Cette ligne politique présente deux mérites : celui d'aller dans le bon sens même si la réalité ne le démontre pas toujours et celui de bousculer le paysage politique français.

Une opportunité historique

Emmanuel Macron qui n'appartient à aucun parti, incarne avec le premier ministre cette ligne politique en même tant que le renouvellement de la classe politique dont il n'est pas directement issu.
Ayant un sens aigu des réalités, du changement de monde que nous vivons, de l'archaïsme de la vie politique et de certains verrous qui bloquent la société française, il apporte un regard neuf, volontariste et dynamique.
Il traduit pour moi deux mouvements de fond : tout d'abord le besoin de renouveler la vie politique française, sclérosée tout comme les syndicats par des partis qui ne sont plus que le reflet d'eux-mêmes, en perte de vitesse, d'idées et de courage pour faire avancer notre pays. Ensuite, l'émergence d'un consensus sur l'économie qui rassemble au delà des couleurs politiques : il n'est plus possible de traiter les questions économiques à coup de slogans, de promesses qui masquent une absence d'idées et de vision dont les derniers gouvernements se sont faits d'excellents illustrateurs.
Non le chômage ne se résoudra pas avec des subventions, des contrats aidés, des formations justifiées par la volonté de faire sortir des chômeurs des chiffres de Pôle Emploi ! Sinon ce qui nous guette sera l'affaiblissement durable de notre pays avec des mouvements de tension sociale exacerbés et un taux de chômage qui continuera à augmenter. Est-ce vraiment ce que nous souhaitons ?
Ou peut-être voulons nous continuer sur la voie qui nous a conduit, sur les deux dernières années a apporter 39% des nouveaux emplois publics de la Zone Euro contre…2,7% des nouveaux emplois privés ?

Le social-libéralisme a véritablement une carte à jouer : la France a besoin d'un choc, mais surtout d'un choc de confiance pour redevenir ce surdoué qui s'ignore encore. Le choc des chiffres, des mesures emblématiques comme la fin des 35h d'un côté et le statut quo, la rupture avec le monde de l'entreprise avec l'erreur majeur de croire que l'on peut redistribuer de la richesse avant de l'avoir créée nous mèneront dans le mur.
Nous n'avons pas besoin de mesures au service d'une idéologie qui elle-même serait au service d'une (ré)élection en 2017. Comment croire en effet une personne qui des années durant a fait l'exact contraire de ce qu'elle vous promet désormais ?
Nous avons besoin d'une vision audacieuse, enjouée, réaliste de la société française et de sa capacité à  prendre la voie d'une renaissance qui sera déclinée en moyens et non pas l'inverse.











Le slogan de BFM Business "La France a tout pour réussir" marque bien ce virage que nous sommes en train d'amorcer, marqué par l'apparition de mouvements de la société civile convaincus qu'une France sans projet, sans ambition, sans courage est déjà une France morte, abattue. Ces mouvements sont au coeur du renouveau auquel nous aspirons.

L'entrepreneuriat comme valeur commune

A cet égard, il s'agit de trouver ce qui nous rassemble aujourd'hui, de réfléchir ensemble à ce projet et de faire de la pédagogie pour expliquer que, oui, le monde d'hier est bel et bien derrière nous et que celui de demain relève d'opportunités extraordinaires prêtes à être embrassées ; certes cela ne se fera pas sans difficultés comme nous le voyons aujourd'hui avec le conflit entre les taxis et Uber, mais une fois les règles posées et acceptées, il faut laisser le jeu se dérouler.
Pour cela il faut libérer les énergies et la figure de l'entrepreneur peut incarner cette ambition française. L'entrepreneur n'est pas seulement le chef d'entreprise ou celui qui va lancer sa startup, c'est vous, c'est moi, c'est chacun d'entre nous, citoyen française qui a en lui la capacité de créer, de participer, de penser le monde de demain.
Opposer le chef d'entreprise et le salarié, n'est-ce pas un combat révolu ? Vouloir appauvrir les riches plutôt que d'enrichir les pauvres, n'est-ce pas un non sens ? Vouloir imposer une idéologie déphasée par rapport à la réalité, n'est-ce pas un passage en force ?

Les français dans leur majorité sont prêts pour le changement. Si ce dernier doit être assumé, accompagné, il n'en reste pas moins qu'il ne se passera ni dans les extrêmes, ni dans le statut quo mais bel et bien dans une vision renouvelée de ce que doit être la France en 2016 : ambitieuse, attractive, conquérante, disruptive. Il faut aller plus loin, nous voulons un social-libéralisme qui ne soit ni de droite, ni de gauche, un social-libéralisme entrepreneurial à la française !