vendredi 8 mai 2015

McDonald's, l'heure de vérité #21

Si pendant longtemps c'est la qualité de ce que l'on pouvait retrouver dans son assiette qui avait de quoi inquiéter chez McDonald's, c'est désormais la stratégie globale du groupe qui pose question: des résultats financiers décevants, l'enseigne américaine vit un moment clé de son histoire.


Avec une création qui remonte aux années 1950, McDonald's peut-être qualifié de pionnier de la restauration rapide. A l'origine, deux frères Maurice et Richard ouvrent une petite enseigne de restauration rapide aux Etats-Unis où l'on trouve au menu des pizzas, du poulet mais aussi des hamburgers ! Ces derniers (inventés à Hambourg, en Allemagne) étant les plus vendus, les deux gérants décident de concentrer leur activité sur ces deux produits, développant année après année un réseau de franchise.
Franchise ? Voilà bien un mot important dans l'univers du commerce et spécialement du fast-food: il s'agit d'un contrat par lequel un commerçant (le franchiseur) concède à un autre commerçant (franchisé) le droit d'usage d'une marque et d'un savoir faire. Bénéficiant de l'image du franchiseur (McDonald's, Quick,…), le franchisé paie un droit d'entrée ainsi que des redevances (Royalties) la plupart du temps calculées sur le chiffre d'affaires réalisé.

McDonald's s'est développé et imposé toutes ces années durant en leader incontesté de la restauration rapide et il a construit son succès autour du Hamburger: "nous faisons des Hamburgers et nous les faisons bien" comme indiquait cette campagne de communication menée au début des années 2000.
Le Big Mac, qu'il vend à plus de 29 unités par seconde dans le monde est devenu le véritable emblème de la marque au grand M. Il existe même depuis 1986 un "Indice Big Mac" édité par le magazine britannique "The Economist" et qui permet de comparer le prix du Big Mac à travers le monde, un Benchmark incroyable et facile à obtenir !
Vous y apprendrez que le Big Mac le plus cher se trouve en Suisse ($7,54) et le moins cher en Ukraine ($1,20) avec les Etats-Unis ($4,79) et la Zone Euro ($3,68) se situant entre deux.

Difficultés financières


Steve Easterbrook,
nouveau PDG
Oui mais voilà, l'empire McDonald's qui semblait intouchable toutes ces années a vécu un début d'année que l'on pourra qualifier de tumultueux. 
C'est le 23 Janvier que tout commence avec la publication des résultats annuels de la marque: un bénéfice sur l'exercice 2014 qui s'élève à 4,76 milliards de dollars (soit un recul de 15%) et un chiffre d'affaires qui se contracte de 2,3%.
Il n'en fallait pas plus pour que l'entreprise basée dans la banlieue de Chicago annonce quelques jours plus tard qu'elle se sépare de son PDG Don Thompson; il sera remplacé dès le 1er Mars par celui qui gérait jusqu'à présent la division britannique de McDonald's Steve Easterbrook.
Plus récemment, ce dernier a annoncé cette semaine les résultats du premier trimestre en les qualifiant de "médiocres": chiffre d'affaires en recul de 2,6% et bénéfice qui chute de 32%, il y a le feu à la maison.

"La réalité est que notre récente performance a été mauvaise […] les chiffres ne mentent pas" Steve Easterbrook
Là ou le bât blesse

Mc Donald's qui réalise 40% de ses bénéfices aux Etats-Unis se retrouve en grande difficulté sur son territoire avec des ventes qui ont reculé de 2,6% au premier trimestre 2015.
La concurrence se fait en effet de plus en plus pressante avec notamment un de ses principaux compétiteurs, "Chipotle" dont le concept est basé sur la nourriture Mexicaine: ce dernier a vu ses ventes augmenter de 20,4% au 1er trimestre avec plus de 1.700 restaurants ouverts. Chose plutôt amusante, Chipotle était jusqu'à 2006 majoritairement détenu par…Mc Donald's !
La concurrence, au delà des traditionnels Subway, Burger King se concentre sur le secteur des fast-food de qualité avec des enseignes comme Shake Shack ou encore Five Guys qui, au delà de vendre les Hamburgers préférés de Barack Obama, va arriver en France très prochainement.
Aux Etats-Unis donc, McDonald's peine à convaincre: les américains sont à la recherche de produits de qualité, plus frais et l'image de la "malbouffe" poursuit la marque qui est d'ailleurs parmi les plus détestées des Americains selon un récent papier du 24/7 Wall St.
Au delà même du produit, les employés de McDonalds contestent leurs conditions de travail et notamment de salaires; après plusieurs manifestations, ils ont obtenu gain de cause et ont été revalorisés de 10%.

Le défi de l'adaptation

Avec une concurrence féroce, des habitudes alimentaires qui évoluent avec des consommateurs qui désirent connaitre ce qu'ils mangent et notamment depuis que de nouveaux scandales alimentaires ont été révélés ces dernières années, les enseignes de restauration rapide doivent s'adapter, se montrer à la hauteur de nouveaux défis.
McDonald's a été contraint à le faire depuis quelques années et notamment en France qui a toujours eu un temps d'avance avec la gouvernance audacieuse de Jean-Pierre Petit; ainsi, après son arrivée en France en 1979 avec une politique axée sur le burger, l'enseigne a introduit notamment des salades et autres fruits à partir de 2004 mais également les espaces McCafé à partir de 2007 et la McBaguette à partir de 2012. Seulement, à l'échelle internationale le géant MacDonald's reste bien lourd et peine à trouver le bon modèle, sans cesse tiraillé entre garder sa ligne traditionnelle ou au contraire se diversifier quitte à perdre un peu son identité.

Des mesures annoncées

Cette semaine, Steve Easterbrook a donc annoncé un changement de cap pour enfin ramener son entreprise sur la voie du succès afin de ramener les clients dans les magasins et l'argent dans les caisses.
Il a d'abord annoncé une réorganisation internationale des activités avec une désormais une division en 4 grandes zones (voir ci-contre).
Après le mot adaptation, c'est désormais l'efficacité qui sera centrale dans le déploiement de cette nouvelle stratégie.

Aujourd'hui sur ses 36.000 magasins à travers le monde, McDonald's en possède 19% en propre tandis que les 81% autres sont gérés par des franchisés: l'objectif affiché par le nouveau PDG est de passer de 81% de magasins franchisés à 90% d'ici 2018 se rapprochant ainsi de Burger King qui ne gère en propre que 1% de ses 7.300 enseignes aux USA. Cet objectif ne sera pas simple à atteindre car il faut débourser entre 1 et 2 millions de dollars pour acquérir une franchise McDonald's aux Etats-Unis, et compte tenu de l'évolution de l'activité globale, pas sûr que les candidats soient bien nombreux.
C'est également dans cette optique de rentabilité que McDonald's va fermer 700 de ses magasins, spécialement aux Etats-Unis et en Chine (mais pas en France).

La France, un marché particulier

En France, McDonald's a une place particulière, spécialement pour les jeunes dans une société où la gastronomie est très importante et où les fast-food "haut de gamme" ont tendance a être valorisés.
C'est dans cette optique que l'enseigne lance actuellement dans 4 grandes villes un nouveau Burger décliné en trois version et de signature McDonald's à un prix de 9,95€.
De la même façon, outre un service de livraison à domicile à New-York, McDonald's lance actuellement aux Etats-Unis un burger haut de gamme (le "Sirloin Third Pound Burger") avec un faux-filet de 140 grammes pour 5$ afin de contrer ses concurrents: cette expérience n'est pas la première puisque un burger similaire avait été mis sur le marché en 2009…sans grand succès !
En Hongrie, c'est un sac déchirable (le BagTray) qui est actuellement testé, ce concept pourrait rapidement être étendu à d'autres pays !

Du côté de l'Hexagone, McDonald's est au delà de ses burgers reconnu d'interêt public avec ses 72.000 collaborateurs; c'est le premier employeur de jeunes en France avec 9.000 postes créés entre 2012 et 2014 et autant à venir d'ici 2017.
Saviez-vous que McDonald's est le deuxième lieu le plus fréquenté par les jeunes français après l'école ?

On observe sur le marché français de la restauration des changements intéressants: aujourd'hui, 75% des restaurants traditionnels proposent au moins un burger sur leur carte et 3/4 de ces restaurants déclarent qu'il est devenu leur produit phare.
En 2013, 1 milliard de burgers ont été vendus en France et un français en a mangé en moyenne 14 plaçant l'Hexagone au deuxième rang en Europe après le Royaume-Uni (17 burgers/hab/an).
Une statistique intéressante encore: si dans les années 2000 on avait pour 1 burger vendu 9 sandwichs, la proportion est de seulement 1 pour 2 aujourd'hui ! Non pas que le sandwich soit en difficulté puisque 2,13 milliards d'unité ont été vendues en 2013 mais le burger a connu une ascension fulgurante avec des ventes multipliées par 13 sur cette période ! Heureusement, l'honneur est sauf puisque à lui seul, le jambon-beurre a été vendu à 1,2 milliard d'exemplaires en 2014.

McDonald's se trouve donc à un moment charnière de son histoire. Le plus grand dilemme est pour lui de choisir entre diversification et conservation de sa ligne traditionnelle. L'équation semble pour l'instant compliquée à résoudre et les investisseurs ne se montrent pas rassurés par les dernières mesures annoncées.
En effet, comment penser par exemple monter en gamme avec des produits personnalisés aux Etats-Unis par exemple tout en réduisant les temps d'attente des consommateurs, ce qui constitue une des priorités des clients américains ?
Une chose est certaine, l'ancien modèle McDonald's semble bel et bien derrière lui, il va devoir maintenant s'adapter à ses différents marchés afin de se réinventer et conquérir à nouveau le coeur des consommateurs: 300 millions de dollars d'économies par an sont prévues à l'horizon 2017, si Steve Easterbrook désire dépasser les 3 ans de longévité de son prédécesseur à la tête de l'empire McDonald's, il va devoir convaincre.
Il peut pour cela s'appuyer sur une des marques les plus puissantes de la planète.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire