mardi 1 novembre 2016

Ne rêvez pas, le chômage ne baissera pas ! #36

L'homme politique a un objectif, vous commercialiser son projet afin d'emporter la mise à la prochaine élection. Certaines fois, il a tendance à faire preuve d'outrecuidance, et c'est notamment le cas sur le chômage.


Le chômage justement, il est la première préoccupation des français, si vous considérez que le terrorisme arrive en deuxième position. Et si les politiques ont la capacité de tordre la réalité pour la plier dans leur sens, les chiffres et la rationalité économique n'ont que faire de leurs prétentions.

Je vais me prêter à un exercice peu répandu dans les médias, et comparer les déclarations de notre personnel politique à la réalité incarnée par ce que l'on appelle des faits. Oui parce que parfois il n'est pas forcément évident que nous vivons dans la même, réalité.
A l'origine, notre président de la République s'est toute de même permis de parier sur "l'inversion de la courbe du chômage" comme condition d'une candidature en 2017, parce que non l'élection d'après n'est pas son seul objectif, enfin si. Vous me suivez ?
Ensuite, Michel Sapin son ministre de l'économie et des finances a successivement affirmé que l'inversion de la courbe était à leur portée, avant de la confirmer en décembre 2013. Dont acte.
Enfin, le président de la République a solennellement déclaré le désormais célèbre : "ça va mieux", comme si le peuple français était suspendu à cette déclaration pour enfin s'en rendre compte. En tout cas, d'un point de vue du récit politique, j'ai envie de dire : merci pour ce moment !



Remarquez tout d'abord que les chiffres, l'information ont pris le dessus sur la réalité avec cette promesse présidentielle. Comment parler d'une réalité en employant des chiffres, et uniquement des chiffres ? Habitués à brasser des milliards, à les déplacer en bougeant des curseurs, n'ont-ils pas perdu toute notion de la "vraie vie des français" comme disait Emmanuel Macron ? Je doute qu'il existe autre chose que la vraie vie en fait, du moins jusqu'à ce que Elon Musk ait mis les pieds sur Mars..tremblez politiques !
Nous ne ferons pas ici l'offense de rappeler que..un candidat à la primaire de droite a réussi à sous-évaluer le prix d'un pain au chocolat dans une proportion de 1 à 10 ! Même si nous n'attendons pas d'eux qu'ils soient au fait de tout, cette déconnexion, cette outrecuidance nous font mieux comprendre à quel point...quelques centaines de milliers de chômeurs de plus ne sont pas un drame.

La vraie vie des vrais gens

Avant de revenir sur les chiffres du chômage, prenons quelques faits qui participeront à rétablir une vision plus prosaïque de la pauvreté et de la précarité en France :
- entre 5 et 8,8 millions de pauvres (suivant les définitions) dont 1 million de plus sur les dix dernières années,
- 1 personne sur 7 sous le seuil de pauvreté (60% du revenu médian qui est de 1 679€, chiffres INSEE),
- 1,87 million de foyers bénéficient du RSA (chiffres CAF),
- 3,8 millions de personnes souffrent de mal-logement (chiffres fondation Abbé Pierre),
- 2,8 millions de personnes sont sans emploi (chiffres INSEE).

On continue ?

Il est souvent dit dans le débat public que la France ne veut pas ressembler à l'Allemagne qui a fait baisser son niveau de chômage mais a augmenté la précarité. Et bien en France nous avons les deux !
Il n'existe pas de solutions miracles et chaque pays a ses spécificités, mais rien n'a été fait ces dernières années pour conjurer ce chômage et cette précarité de masse. Et affirmer même avec beaucoup de force "nous ne voulons pas ressembler à l'Allemagne" ne redonne pas du travail aux français, au risque de décevoir certains.

Les chiffres du chômage

Alors vous le savez sûrement (ou sinon allez voir par ici), les chiffres du chômage sont discutés, beaucoup discutés mais il en existe en réalité deux différents ! L'Insee calcule trimestriellement un taux de chômage selon le Bureau International du Travail (BIT) permettant les comparaisons internationales tandis que Pôle Emploi enregistre mensuellement les personnes sans emploi venant s'inscrire chez lui, avec des imprécisions liées au mode de calcul qui change régulièrement.

En France, les politiques s'acharnent sur ces chiffres et particulièrement sur ceux de Pôle Emploi, sacrifiant le long terme et la vue d'ensemble pour l'analyse "courtermiste" avec une absence de réelle politique de l'emploi, sinon quand il s'agit d'en subventionner une partie.
Premièrement, on fera remarquer que les dépenses (et les bénéficiaires) sont toujours faciles à annoncer (et à trouver), bien plus que les économies et deuxièmement que c'est un plaisir pour nous les citoyens, de voir le gouvernement gesticuler autour de chiffres mensuels qui peuvent d'un mois à l'autre dire tout et leur contraire (pardonnez cette formule alambiquée). L'arroseur arrosé.
Dernière innovation en date, le gouvernement souhaite mensualiser les données trimestrielles de l'Insee, ça alors. Comme si notre politique économique était trop stable et souffrait de trop peu de cour-termisme !



Que nous dit l'économie ?

Face à ce qui s'apparente à une opposition fondamentale entre une réalité qui n'a rien de rose et un personnel politique qui essaye tant bien que mal de jongler avec ses dernières cartes, l'économie a pourtant une réponse claire, qui si elle était intégrée, vous aurait fait l'économie (c'est le cas de le dire) de lire le début de mon billet.

En France, 160 000 personnes rentrent chaque année sur le marché du travail et il faut donc non seulement compenser les emplois qui se détruisent ce qui est un processus de création destructrice normal en économie mais également absorber toutes ces nouvelles entrées. Pour cela il faut que la croissance de l'activité (représentée par le PIB) soit suffisante.
De plus, si les français sont plus productifs et que la demande pour ces biens n'augmente pas, et bien il faudra dorénavant moins de travailleurs pour effectuer la même tâche : ce sont les gains de productivité.

Si vous analysez ces deux informations, les économistes ont une sorte de consensus qui consiste à dire que la croissance économique doit être supérieure à de 1,5% pour que l'économie française recrée de l'emploi. Cette phrase même si elle est un peu simpliste devrait être récitée tous les jours à l'assemblée nationale et chaque semaine au conseil des ministres.
Bien sûr ce taux est spécifique à notre pays du fait de sa population active et de ses gains de productivité. En Allemagne par exemple, on estime qu'il y a chaque année 100 000 personnes de moins sur le marché du travail, et donc qu'une croissance de 1,1% suffirait à créer de l'emploi.

Que nous dit la croissance française ?

Si vous avez suivi le raisonnement, vous comprenez que nos affaires commencent à se compliquer.
Pourquoi ? L'Insee a revu à la baisse la croissance de la France qui ne devrait pas dépasser 1,3% pour l'année 2016 alors que sa dernière prévision était de 1,6%.
Bien sûr, aucun responsable politique ne vous le dira, mais dans ces conditions macro-économiques, structurelles, le chômage ne peut pas baisser ! Si quelqu'un vous annonce le contraire, regardez de plus près s'il fait des études (poussées) d'économie auquel cas il se pourrait que des théories de l'emploi n'aient pas encore été révélées rendant cette personne immédiatement "nobelisable".
Dans le cas contraire (probabilité de 9/10), oubliez son avis et intéressez-vous (ou intéressez-le) aux véritables mécanismes économiques qui permettent aux entreprises de créer de l'emploi : confiance, investissement, croissance.
Les variations mensuelles analysées avec beaucoup d'efforts par nos dirigeants ne correspondent en rien à des tendances de fond, encore moins à un recul du chômage de masse, c'est frictionnel !
Certains vous diront que le taux de chômage selon l'Insee a reculé de 10,2% à 9,9% au deuxième trimestre et que la courbe s'est donc inversée. Je leur répondrais que en toute honnêteté intellectuelle les conditions ne sont pas réunies pour faire reculer le chômage, et c'est le structurel qui nous intéresse !

On a souvent voulu décréter, du haut d'une tour d'ivoire, comment devait se comporter l'économie française. Il s'avère que, premièrement cette analyse fait fi de la réalité (parfois très dure) vécue par des millions de français, deuxièmement il n'y aura pas de salut sans une bonne dose d'humilité, de confiance dans les français et dans ceux qui créent ou peuvent potentiellement créer de l'emploi. On évoque souvent des chefs d'entreprises, mais parle-t-on de tous ceux (vous, moi?) qui pourraient demain créer de l'emploi de proximité, des startups qui ne grandissent pas, des PME qui ne deviennent pas ETI, tout cela si les charges qui pesaient sur le travail, la bureaucratie n'étaient pas des facteurs aussi lourds ? Non vous ne les verrez jamais dans le viseur, et pourtant les français débordent d'énergie et de créativité.

N'écoutons pas les vendeurs de rêve, retroussons-nous les manches, et avançons pour le bien commun, un jour nous serons en capacité de rendre aux français leur dignité, et particulièrement à ceux qui pâtissent le plus de l'irrationalité de nos politiques politiciens, sur le chômage comme sur d'autres sujets majeurs, et ce depuis des décennies.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire