Nous l'avons souvent rappelé ici, l'économique et le politique sont étroitement liés et ils participent avec le social à la construction de nos sociétés. Les derniers mois ont confirmé la sortie d'un certain monde avec les élections de Donald Trump et d'Emmanuel Macron, la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne, les négociations compliquées sur le climat.
Si les cartes sont rebattues avec un leadership à prendre au niveau européen et mondial, et que la révolution technologique bat son plein, la réalité de la "vraie vie des vrais gens" est parfois toute autre. Derrière l'engouement pour le projet Macronien et ses revirements hebdomadaires, subsiste une France qui va un peu moins bien, cette France des déclassés, des territoires perdus de la République, cette France du chômage qui demeure un drame humain, cette France des emplois peu qualifiés et des fins de mois difficiles, cette France des non formés. Qui s'occupe d'elle ?
Tout cela doit nous interroger sur notre capacité à nous projeter dans ce monde nouveau aux repères incertains, et qui semble laisser de côté ceux qui ne peuvent suivre. Certains affirmeront qu'il s'agit d'une énième révolution, avec ses ajustements nécessaires, le temps que les créations d'emplois du nouveau monde remplacent ceux de l'ancien monde. Mais à quel prix pour les outsiders ?
Quand l'économique reprend le dessus
Nous constatons aujourd'hui qu'au delà des mots et des sommets internationaux, le politique et le citoyen peinent à exister aux côtés de l'économique, qui prend une place grandissante. Deux exemples.
La France est aujourd'hui tributaire des marchés financiers sur lesquels elle emprunte à hauteur de 200 milliards d'euros chaque année. Fort heureusement, elle profite actuellement de taux anormalement faibles sur cette dette, du fait de sa proximité avec l'Allemagne. La France est donc dépendante de l'économique, et c'est pourquoi une réduction de sa dette aurait comme effet le retour à une plus grande souveraineté. Cette dépendance récemment soulignée par le 1er ministre doit désormais s'accompagner d'actes concrets engageant des transformations profondes.
Dans un autre domaine, Google qui est ultra-dominant dans son activité de moteur de recherche a par son système de référencement un pouvoir économique et politique sans précédent, et des millions d'individus sont dépendants de l'entreprise californienne. Elle possède $86 milliards de cash qu'elle investit dans des secteurs d'avenir, dont certains sont clairement à visées politique et philosophique comme l'intelligence artificielle.
L'économique est d'autant plus puissant que la donnée (data) devient actuellement le pétrole du 21ème siècle, avec une course effrénée visant la collecte et l'exploitation d'informations personnelles. Rappelons ici que nous consentons à cette opération en disposant des informations sur les réseaux sociaux, sur les sites marchands et à travers tous nos objets numériques et connectés.
Mais qui maîtrise ces données ? Comment ces nouvelles activités, plus difficilement localisables, financent-elles nos systèmes sociaux ? A quel point le politique et le citoyen ont-ils prise sur ces phénomènes ?
Chômage et révolution technologique
Pour revenir à des considérations qui nous semblent moins éloignées, il apparait probable que la révolution technologique amplifie les situations de fragilité du marché de l'emploi, et notamment en France. Le chômage dans notre pays est principalement lié au problème de la non-qualification. Des chiffres récents montrent que le taux de chômage est de 6% à Bac +5 quand plus d'un chômeur sur deux n'a pas le bac !
Le fait est qu'il est difficile de s'insérer sur le marché du travail sans qualification et qu'il est très compliqué de s'y maintenir au delà d'un certain âge. Les séniors subissent à la fois un niveau d'employabilité peu élevé et les effets des réformes des retraites successives qui ont repoussé l'âge de départ à la retraite.
Ces personnes seront les premières affectées par l'automatisation des processus qui débutera par les tâches les plus élémentaires. La question de la formation professionnelle est donc centrale, ainsi que les investissements dans le système scolaire et ce dès le plus jeune âge.
Des citoyens à part entière
Il est essentiel de se positionner en tant que citoyens face à ces problématiques complexes. Citoyens ? Oui, car nous devons réconcilier le consommateur et le travailleur. Ce dernier refuse souvent d'être une simple variable d'ajustement du "système" mais entend bien profiter des moindres avantages de la mondialisation quand il redevient consommateur. Une asymétrie qui nous fait parfois confondre le réel et le virtuel, quand nous attendons par exemple d'un employé de supermarché qu'il délivre un service aussi performant et rapide qu'Amazon. Quelle cohérence et quelle responsabilité ?
Nous devons nous réinvestir pour équilibrer les relations avec l'économique en utilisant le puissant levier qu'est la politique, seule capable de réunir les énergies, de prendre le meilleur pour dessiner une société que nous voulons.
Le politique est donc responsable des enjeux globaux, et doit pouvoir être capable de placer l'individu au centre de ses préoccupations. Le citoyen, quant à lui ne doit pas se limiter à un "rôle de consommateur" car il rentrerait alors dans une dynamique dangereuse pour sa propre survie. C'est en utilisant pleinement son intelligence qu'il pourra continuer à être acteur dans un monde où la performance tend à se substituer à l'existence.
Laurent Alexandre, un des spécialistes dans ce domaine alertait récemment sur la nécessité de ne pas faire l'impasse sur l'intelligence au 21ème siècle :
"L'intelligence est tabou, parce que les élites intellectuelles ne souhaitent pas qu'on en parle [...] pour garder le monopole de l'intelligence"
Faire du lien plutôt que de diviser
C'est donc conscients que le monde change et nécessite d'adapter ses compétences, ses structures, notre système institutionnel que nous devons avancer. Cette compréhension doit être celle des individus et de la société dans son ensemble.
Cependant, il nous faut éviter un écueil important : regarder le monde évoluer (sans nous) et avoir une confiance aveugle dans le progrès. Bien au contraire, il nous faut poser un jugement critique sur notre rapport à la technologie, au travail, à l'environnement en s'appuyant sur l'homme et ses ressources abondantes !
C'est en assumant de défendre ce qui nous parait essentiel, la dignité de l'être humain, la défense de l'environnement, la protection de notre territoire, une histoire riche, une économie libérale favorisant l'initiative, et en investissant ces sujets en tant que citoyens, que nous parlerons au "vrais gens", ceux qui ne font guère de bruit, mais qui sont la France !
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