samedi 11 avril 2015

Messieurs Valls, Macron, merci ! #17

Le gouvernement a souhaité marquer le coup ce mercredi en fin de matinée au palais de l'Elysée: entouré de 7 de ses ministres, Manuel Valls a annoncé des mesures fortes pour relancer l'investissement en France.



Les voyants de l'économie sont en train de tous repasser au vert, c'est indéniable et l'accumulation de facteurs exogènes n'y est pas étrangère. La conjonctions de ces éléments est une première dans l'histoire économique:
- Le baril de pétrole se stabilise autour de $57 (contre $117 un an plus tôt) ce qui occasionne un allègement de la facture pétrolière de 32 millards sur la période 2014-2015.
- L'euro est actuellement à $1,06 (contre $1.38 un an plus tôt) et se déprécie puisque il faut désormais moins de dollars pour acquérir la même quantité d'euros. Nos biens devenant moins chers, l'économie européenne gagne en compétitivité et les exportations augmentent mécaniquement.
- Les taux d'interêt sont historiquement bas, les Etats n'ont jamais emprunté à aussi bon marché: à 10 ans (ce qui est considéré comme une référence), la France emprunte à 0,43%. La Suisse a même emprunté à taux négatif cette semaine (-0,05% à 10ans): les investisseurs perdent donc de l'argent en détenant de la dette Suisse car elle est considérée comme très sûre.
- Le "Quantitative Easing" désigne le plan d'injection massive de liquidités opéré par la Banque Centrale Européenne qui a prévu, sur un an et demi, de racheter 60 milliards de dette par mois: du jamais vu. Rachetant des dettes d'Etat notamment, la BCE cherche à orienter les investisseurs vers l'économie réelle. En effet, la baisse des taux d'intérêts qui se poursuit rend les obligations d'Etat moins attractives.

Une situation qui s'améliore

Effet de communication ou pas, le gouvernement a annoncé son optimisme quand à la réduction des déficits qui devraient atteindre 2,7% du PIB en 2017, soit mieux que l'objectif de 3% de la commission européenne. Sur la croissance, la prudence est de mise et la France prévoit une augmentation du PIB de 1% cette année (et 1,5% en 2016) tout comme Bruxelles.
La BCE a elle aussi relevé ses prévisions de croissance pour la Zone Euro en 2015 de 1% à 1,5%.

Il s'agit donc de se réjouir de cette situation et de l'embellie annoncée (mais pas encore arrivée) mais surtout pas à s'en satisfaire ! Les vingt dernières années nous ont montré la grande capacité de la France à ne plus bouger sur le plan structurel quand la situation conjoncturelle s'améliorait.
Comment se contenter par exemple d'une croissance à 1% lorsque l'on sait que l'on ne crée pas d'emplois en dessous de 1,5% de chômage ? Comment se satisfaire d'un ralentissement de la croissance de la dette (et non pas réduction) à 97% du PIB en 2016 ?

Un discours très positif

On dit souvent, et à juste titre, que la plupart des ministres n'ont souvent pas les compétences requises pour exercer dans des domaines qui nécessitent des compétences pointues et pas seulement une habilité politique que nous ne leur contestons pas.
Deux ministres semblent cependant faire entorse à cette règle: le premier d'entre eux est Manuel Valls qui fait preuve d'une honnêteté, d'une cohérence et d'une force de conviction impressionnantes alors même qu'il n'a pas une majorité parlementaire sur laquelle s'appuyer et même si les résultats tardent à venir. Ce dernier a récemment déclaré: "Nous n'avons pas d'autres choix pour le pays que de faire sauter les verrous et débloquer les énergies. La France, il faut la réformer, mais sans la brutaliser, en expliquant aux Français le sens et le but des réformes". Il m'est déjà arrivé de l'écrire, mais cela aurait été difficilement imaginable il y a quelques mois dans la bouche d'un premier ministre socialiste !

Emmanuel Macron fait également figure d'exception: avec sa loi Macron, il a marqué les esprits. Devenu ministre de l'économie à seulement 36 ans, il connait parfaitement la réalité de l'entreprise pour avoir déjà travaillé dans le privé. Son objectif ? "Rétablir la confiance, accélérer l'investissement, déclencher l'emploi" en écho à la célèbre phrase du chancelier allemand Helmut Schmidt: "Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain". Emmanuel Macron amène un vent de fraicheur sur l'économie française et les avis sont unanimes à son égard.
Le président de la République qui entend donc garder le cap peut compter sur ces deux hommes pour mener sa politique: pragmatiques, ils confirment ainsi la phrase de Tony Blair: "La gestion de l'économie n'est ni de gauche, ni de droite : elle est bonne ou mauvaise".
Les choses évoluent dans le bon sens.

Un plan pour l'investissement

C'est donc ce mercredi que le gouvernement, qui se devait de réagir après des élections plus que compliquées pour la gauche, a annoncé une série de mesures pour relancer l'investissement en France afin d'encourager une timide reprise: un essai à transformer.
La principale mesure concerne l'amortissement: c'est un mécanisme comptable qui permet de prendre en compte la perte de valeur d'un bien (machine, outil…) avec le temps.
Une machine achetée 10.000€ pourra voir par exemple sa valeur nette comptable réduite à 1.000€ après 5 ans d'utilisation. On réalise alors une "dotation aux amortissements" qui vient automatiquement réduire le résultat imposable et donc la base sur lequel est calculé l'impôt sur les sociétés.
La mesure annoncée par Manuel Valls vise à pouvoir exceptionnellement amortir 140% de la valeur de la machine (contre 100% normalement) ce qui revient à baisser le bénéfice imposable et donc l'impôt payé par l'entreprise in fine, jusqu'à 13% de la valeur de l'investissement. Cette mesure valable sur les investissements effectués d'ici Avril 2016 devrait coûter 2,5 milliards d'euros à l'Etat.
Elle répond à des enjeux de qualité de l'outil de production ce qui nous permettra d'être plus compétitif: en France, l'âge moyen des machines dans les usines est actuellement de 19 ans contre 10 en Allemagne et 11 en Italie. Il est temps d'investir.

Une mesure presque parfaite

Cette mesure emblématique revient à subventionner l'investissement puisque il s'agit d'aller plus loin qu'une simple incitation: elle va bien sûr dans le bon sens et il faut la saluer.
Une mesure de cet ordre, tout comme le CICE précédemment n'est jamais parfaite, toujours trop ciblée et pas assez importante; on peut par exemple regretter que l'industrie du numérique (et donc du futur) soit laissée de côté des investissements éligibles.
Eric Heyer, économiste à l'OFCE expliquait d'ailleurs que une hausse de l'investissement n'a jamais déclenché une reprise mais a plutôt une fonction d'accompagnement et de consolidation. La plupart des chefs d'entreprise interrogés sur le sujet notaient surtout que, investissement ou pas, si le carnet de commandes était vide, l'activité ne redémarrerait pas. La dynamique demeure cependant positive.

Aller plus loin

Il faut désormais aller plus loin en profitant des conditions exceptionnelles d'une conjoncture qui ne se reproduira certainement pas dans le futur, et lever les vrais blocages:

- Réformer le marché du travail en ouvrant le débat du contrat de travail et de sa flexibilité: il s'agit de protéger les salariés tout en créant des conditions favorables pour accéder à l'emploi: en clair, il faudrait reconnaitre à l'employeur le droit à l'erreur en embauchant un salarié afin que les contraintes qui pèsent sur lui en cas cas de rupture du contrat de travail (prud'hommes) soit allégées. On doit pouvoir employer et licencier plus facilement afin de tendre vers un modèle de flexisécurité.
- Simplifier le code du travail en enlevant tout une série de normes qui empêche les entreprises d'avancer: le compte de pénibilité introduit l'année dernière par le gouvernement est l'exemple parfait d'un savoir-faire français pour créer de la complexité. Avec ses 10.000 articles, le code du travail prend en moyenne une page par semaine. En Suisse, il comporte uniquement 200 articles et le taux de chômage est de 3,5%. A méditer.
- Améliorer la compétitivité des entreprises afin d'augmenter leurs marges et de retrouver de l'activité avec comme corollaire une augmentation des embauches. Si le taux de marge s'est redressé au 4ème trimestre 2014 à 29,9%, il n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant crise et reste loin de celui de notre voisin Allemand.

En France, le taux de chômage devrait culminer à 10,6% à la mi-2015 et il n'y a vraiment pas de quoi s'en réjouir. On a tout essayé pour le combattre sauf ce qui marche: à titre d'exemple, le taux de chômage est de 4,9% en Autriche, 4,5% en Islande et 5,5% au Royaume-Uni.
En Allemagne, l'équivalent de Pôle Emploi a même dû réaliser un plan social…faute de chômeurs !

La situation est en train de s'améliorer et nous n'y sommes pour rien, il est maintenant temps de faire décoller durablement l'avion France, de l'alléger afin de lui faire prendre de l'altitude: il y a tant de chantiers à mettre en oeuvre au delà même de ceux qui ont pu être évoqués dans cet article: nous n'avons pas le temps d'attendre.
La responsabilité des gouvernements est de préparer un futur meilleur pour nos enfants et personne n'y est insensible: saluons ce qui a déjà été fait, encourageons ce qui reste à faire, dialoguons, faisons évoluer notre pays qui souffre de tant de blocages, d'immobilisme, de manque de dialogue avec des organisations syndicales qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Avançons, Monsieur Valls, Monsieur Macron, vous ouvrez des perspectives intéressantes: avec les Français, fixons le cap et ensemble, décollons.

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