samedi 25 avril 2015

Blablacar, réussite à la Française #19

Vous aviez l'habitude de voyager par train il y a 5, 10 ans ? Il se peut fortement que vos habitudes aient évolué ces dernières années. La cause ? Un service de covoiturage bien connu, français, et qui poursuit actuellement une croissance impressionnante.


Le mot "Blablacar" va-t-il bientôt rentrer dans le dictionnaire ? Il est devenu tellement répandu que l'on peut se poser la question. Plus sérieusement, et pour revenir à la genèse du projet, il faut remonter à 2004 pour voir Frédéric Mazzella fonder l'entreprise dans un contexte assez amusant: cet ancien de Normal-Sup, passé par Stanford et même la NASA avait l'intention de rentrer chez lui pour les fêtes de Noël, mais son train était tellement plein qu'il n'a pu le prendre.
Il s'est alors dit qu'il lui aurait été utile de connaître les automobilistes réalisant le même trajet avec leur véhicule. Comme ce service n'existait pas, il a décidé de le créer et ainsi est né le site covoiturage.fr.

Fréderic Mazzella
Comme vous l'avez remarqué, l'entreprise a plus de 10 ans d'existence et des années durant, elle s'est battue pour se faire connaître, pour faire grandir sa communauté d'utilisateurs, pour évangéliser autour de ce nouveau modèle. Si le service était à l'origine gratuit, Frédéric Mazzella a dû, pour accélérer son développement et présenter une stratégie de croissance pour l'entreprise, changer de modèle économique. Des commissions ont été mises en place avec une partie fixe et une partie variable en fonction de la valeur du trajet: elles étaient d'abord progressives incitant les utilisateurs à réserver le plus possible en avance afin d'économiser de l'argent.
Récemment, la startup française est revenue à un modèle plus classique et lisible: elle prélève ainsi 0,89€ par trajet auxquels s'ajoute un pourcentage de commission de 11,88% TTC du montant du trajet.
Le développement de l'entreprise qui connaît actuellement un succès retentissant ne s'est donc pas fabriqué du jour au lendemain.

En 2014, Blablacar revendiquait 95% des annonces de covoiturage en ligne et occupe bien sûr une position ultra-dominante en France (mais en Europe aussi) avec plus de 3 millions de membres (et 10M en Europe).
L'année dernière également, la start-up française avait marqué l'actualité en réalisant une levée de fond de 73 millions d'euros, non loin derrière celle réalisée il y a trois ans par Deezer (100M€): on estime ainsi qu'elle pourrait bientôt être valorisée à 1 milliard de dollars !
Certes l'entreprise n'est pas encore rentable dans le sens strict du terme mais c'est parce que ses dirigeants décident d'innover, d'investir en permanence.

A l'international toute !

Dès son lancement, les fondateurs de Blablacar avaient compris que il leur faudrait adopter une stratégie agressive à l'International. Si le site de covoiturage s'est développé d'abord en France, il n'a pas tardé à s'étendre à d'autres pays. Aujourd'hui, on peut voyager avec Blablacar dans 18 pays à travers le monde.
Dans l'actualité récente, Blablacar a racheté son principal concurrent Européen, l'Allemand "Carpooling.com" ainsi que son homologue Hongrois "AutoHop" qui couvrait également la Roumanie, la Serbie et la Croatie: une porte d'entrée très intéressante vers l'Europe de l'Est.
Depuis sa première implantation en 2009 en Espagne et outre des expansions dans les pays voisins, Blablacar s'est également installé en Russie, Ukraine et Turquie l'année dernière et même en Inde cette année ! Depuis cette semaine, Frédéric Mazzella et ses équipes sont arrivés en Amérique avec l'acquisition de la plate-forme de covoiturage Mexicaine "Rides".
Toutes ces acquisitions permettent à la communauté Blablacar de compter 20 millions de membres !

Il est intéressant de noter trois choses: tout d'abord, quand Blablacar s'installe dans un nouveau pays, le service est d'abord gratuit puisque la priorité est de faire grandir la communauté d'utilisateurs afin qu'elle soit mature, atteignant une taille critique: seules la France et l'Espagne ont actuellement un modèle payant.
Ensuite, on peut se demander pourquoi Blablacar ne s'attaque pas aux Etats-Unis, qui devrait être le marché par excellence pour se développer. Il faut déjà prendre en compte le fait que de partager sa voiture ne soit pas une pratique naturelle, facile à effectuer dans d'autres pays, continents et notamment aux Etats-Unis; plusieurs entreprises ont déjà essayé de lancer ce type de service mais sans succès. De plus, on ne parle pas des mêmes distances avec un pays 17 fois plus grand que l'Hexagone de par sa superficie.
Enfin, au delà d'un business qui marche bien, Frédéric Mazzella s'appuie sur des valeurs fortes pour manager ses équipes: la responsabilisation des salariés est d'ailleurs son leitmotiv. C'est par exemple directement eux qui réalisent les entretiens d'embauche: le recrutement d'une centaine de collaborateurs est ainsi prévu en 2015.

Le succès de l'économie du partage

Le succès désormais mondial de Blablacar est indéniable et fait la fierté de notre pays; il s'inscrit dans l'essor de l'économie collaborative qui est très vertueuse et séduit de plus en plus les consommateurs qui sont à la recherche d'un "consommer différemment".
De ce point de vue, le succès de Blablacar est fascinant de par sa simplicité, puisque il s'agit uniquement de mettre en relation des individus entre eux: on est loin des algorithmes de Google ou de l'impression 3D en terme de développement technologique. Il s'inscrit aussi dans une période où, au delà de l'aspect social, humain du service, l'aspect économique prend une part non négligeable.

Blablacar s'inscrit dans la lignée des start-ups américaines désormais devenues des géants comme Uber ou encore Airbnb et donc de l'économie du partage. A travers ce dernier, on peut louer un logement chez un particulier un peu partout dans le monde.
Ces entreprises viennent casser les modèles pré-établis en les court-circuitant: Uber concurrence directement les taxis, Airbnb les Hôtels et Blablacar les moyens traditionnels de transport comme le train et la SNCF en France: cette dernière n'avait pas besoin de ça !
Une fois la confiance installée entre les personnes utilisant ces services (c'est une des difficultés majeures), c'est une autoroute qui se présente à ces entreprises !

Car oui, Frédéric Mazzella a réussi en visionnaire, il y a plus de dix ans à imaginer un nouveau système qui bouleverserait -dans le bon sens du terme- les habitudes. Malheureusement, il y a trop peu d'entreprises (mais pas d'entrepreneurs) de ce type en France, celles-là même qui vont réaliser des success-story dans 5, 10 ou 15 ans !
Il s'agit de favoriser l'éclosion de ces futurs cracks et de préparer l'avenir, dès maintenant. De ce fait, Frédéric Mazzella envoie un message fort: laissez-nous entreprendre, regardez les résultats formidables que cela peut engendrer !

jeudi 16 avril 2015

Economie de demain: plongée dans l'inconnu #18

Plusieurs indicateurs laissent à penser que nous vivons, sur le plan économique, une période charnière de l'histoire: nous sommes bel et bien en train de rentrer dans un nouveau monde, sans trop savoir à quoi ce dernier ressemblera mais nous y rentrons.



Le premier élément structurant est cette mutation que nous sommes en train de vivre actuellement: on distingue généralement dans l'histoire deux révolutions industrielles, la première qui repose sur l'utilisation du charbon avec l'invention de la machine à vapeur, du chemin de fer (XVIIIème siècle) et la seconde qui date de la fin du XIXème siècle avec le pétrole et l'électricité.
Dès lors on peut se poser cette question: sommes-nous en train de vivre une troisième révolution du même ordre ? C'est en tout cas l'avis de l'économiste Jérémy Rifkin qui pense que nous nous dirigeons vers une nouvelle ère de croissance plus soutenable grâce à l'apparition et le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ainsi que des nouvelles formes d'énergies renouvelables.
Pas besoin d'être un spécialiste de l'économie, des systèmes d'information pour remarquer que ces technologies sont en train de révolutionner nos vies, nos quotidiens. Une rupture.

La gestion de l'après crise

L'économie telle que nous la connaissons est marquée par des cycles: crise, récession, reprise, expansion.
Difficile de dire avec exactitude quand nous sommes sortis de la dernière crise financière qui a ébranlé le monde en 2008 avec comme épicentre les Etats-Unis.
Plus de 7 ans après le début de cette crise, il est difficile d'identifier une réelle reprise économique à l'échelle mondiale. Explications.

Le Fond Monétaire International (FMI) a récemment publié un rapport dans lequel il explique que les Etats-Unis et l'Europe seront les moteurs de la croissance en 2015.
Aux Etats-Unis d'abord, la croissance sera solide, à +3,5% cette année et c'est un bon signe pour l'économie mondiale. La Zone Euro devrait ressentir les effets de l'embellie américaine sous quelques moi.
Malgré une appréciation du dollar qui rend le pays moins compétitif, le chômage continue à baisser légèrement même si les américains peinent à voir de réels changements.

En Zone Euro, la croissance sera de +1,5% en 2015 selon le FMI: bien aidée par une politique accommodante de sa banque centrale (Quantitative Easing lancé cette année), l'économie Européenne profite également de la baisse importante de l'Euro et d'un prix faible du pétrole qui lui donnent une bouffée d'air. Il s'agit donc d'une amélioration puisque le PIB n'avait augmenté que de 0,9% en 2014 mais il peine à retrouver son niveau d'avant crise (+3% entre 2006 et 2007). La France est dans la même situation avec une croissance certes en augmentation mais encore très faible.

Dans le reste du monde, c'est le calme plat. La dynamique des fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) semble mise à mal: la Chine qui nous avait habitué à des taux de croissance à deux chiffres devrait voir son PIB augmenter de 6% en moyenne dans les prochaines années, la Russie est à l'agonie et le Brésil en récession. Seule l'Inde semble sortir la tête de l'eau comme le montre son taux de croissance: en 2030, sa population sera supérieure à celle de la Chine, en 2050 on dit d'elle qu'elle sera la première puissance mondiale. Les repères sont bels et bien bouleversés.

Une croissance sans emploi

Si les perspectives de croissance à l'échelle mondiale sont maintenues à 3,5% pour 2015 (contre 5% avant la crise), le commerce mondial lui marque le pas et peine à retrouver des couleurs.
Surtout, ces amorcements de reprise économique ne se traduisent pas sur le marché de l'emploi: le taux de chômage était encore de 11,3% en Janvier dans la Zone Euro où près d'un jeune actif sur quatre est sans emploi. En France, on annonce une début de commencement de retournement de la courbe du chômage pour mi-2016: le temps est long.
Le mois dernier, la BCE a annoncé que le risque d'assister à une "Jobless recovery" (reprise sans emploi) était fort probable.

LE concept à la mode

Face à cette reprise qui ne revient pas, certains économistes se demandent si la croissance n'est pas un terme qui sera demain obsolète: et si le monde se construisait durablement sans croissance ?
C'est ce que l'on entend par le terme "stagnation séculaire" qui a été récemment remis sur le devant de la scène par un des économistes les plus influents aux Etats-Unis, Larry Summers. Retenez bien ce terme.
Il identifie plusieurs causes dont une croissance importante de la population couplée à une révolution technologique que nous avons évoqué au début de cet article avec des taux de croissance assez faibles: tous les éléments sont là et les institutions internationales commencent à prendre en compte cette perspective et le débat fait rage au sein des économistes: l'économie n'est pas une science exacte !

Des taux négatifs !

Vous l'aurez compris, rien ne semble plus fonctionner normalement dans l'économie mondialisée et nous sommes en train d'abandonner des schémas, des modèles qui perduraient depuis des années pour changer de paradigme.
Le dernier évènement incroyable demeure l'épilogue des taux négatifs: de part l'abondance de liquidités sur les marchés financiers en Zone Euro, les taux auxquels empruntent les Etats sont extrêmement faibles. Ainsi, la Suisse a pour la première fois emprunté à taux négatifs à 10 ans: les investisseurs perdent donc de l'argent en investissant dans la dette Suisse et d'autres pays comme l'Allemagne pourraient bientôt faire de même.
Cet argent facile touche peu à peu les particuliers avec des crédits immobiliers qui, bien qu'étant à taux fixes, sont également au plus bas: le taux d'emprunt est actuellement de 2,11% en moyenne contre plus de 3% en 2013 en France: achetez !
Au Danemark, un particulier a même récemment obtenu un crédit bancaire à taux négatif, à -0,0172%: du jamais vu !

L'économie de demain ne ressemblera plus à celle d'hier, ni même à celle d'aujourd'hui, les transformations sont impressionnantes et très rapides. L'économie se transforme, se numérise et il s'agit de s'adapter à tous ces changements afin de ne pas rester dans l'ancien monde. La France et l'Europe en général ont déjà beaucoup de retard par rapport aux Etat-Unis, attendant et regrettant le retour d'un monde qui n'existera plus.
Il ne faut pas nier que l'incertitude est grande et personne ne peut prédire à quoi ressemblera le monde demain, les phénomènes nouveaux que je décris dans cet article montrent bien à quel point nous sommes plongés dans l'inconnu: c'est fascinant.

C'est une période passionnante qui s'ouvre devant nous et il s'agit de l'embrasser: il suffit de regarder le succès de startups comme Blablacar -qui vient de racheter son concurrent allemand et qui s'inscrit dans le cadre plus large d'une économie de partage avec les Uber (partage de voiture), Airbnb (partage de logement)- pour s'en rendre compte !
Le "Crowdfunding" ou finance participative qui permet à chacun de participer financièrement à un projet qui lui tient à coeur via une plate-forme internet en est l'exemple parfait: 16,2 milliards de dollars ont ainsi été donnés, échangés, investis en 2014 soit une hausse de 167% par rapport à l'année d'avant.
Tout est dit je crois !


samedi 11 avril 2015

Messieurs Valls, Macron, merci ! #17

Le gouvernement a souhaité marquer le coup ce mercredi en fin de matinée au palais de l'Elysée: entouré de 7 de ses ministres, Manuel Valls a annoncé des mesures fortes pour relancer l'investissement en France.



Les voyants de l'économie sont en train de tous repasser au vert, c'est indéniable et l'accumulation de facteurs exogènes n'y est pas étrangère. La conjonctions de ces éléments est une première dans l'histoire économique:
- Le baril de pétrole se stabilise autour de $57 (contre $117 un an plus tôt) ce qui occasionne un allègement de la facture pétrolière de 32 millards sur la période 2014-2015.
- L'euro est actuellement à $1,06 (contre $1.38 un an plus tôt) et se déprécie puisque il faut désormais moins de dollars pour acquérir la même quantité d'euros. Nos biens devenant moins chers, l'économie européenne gagne en compétitivité et les exportations augmentent mécaniquement.
- Les taux d'interêt sont historiquement bas, les Etats n'ont jamais emprunté à aussi bon marché: à 10 ans (ce qui est considéré comme une référence), la France emprunte à 0,43%. La Suisse a même emprunté à taux négatif cette semaine (-0,05% à 10ans): les investisseurs perdent donc de l'argent en détenant de la dette Suisse car elle est considérée comme très sûre.
- Le "Quantitative Easing" désigne le plan d'injection massive de liquidités opéré par la Banque Centrale Européenne qui a prévu, sur un an et demi, de racheter 60 milliards de dette par mois: du jamais vu. Rachetant des dettes d'Etat notamment, la BCE cherche à orienter les investisseurs vers l'économie réelle. En effet, la baisse des taux d'intérêts qui se poursuit rend les obligations d'Etat moins attractives.

Une situation qui s'améliore

Effet de communication ou pas, le gouvernement a annoncé son optimisme quand à la réduction des déficits qui devraient atteindre 2,7% du PIB en 2017, soit mieux que l'objectif de 3% de la commission européenne. Sur la croissance, la prudence est de mise et la France prévoit une augmentation du PIB de 1% cette année (et 1,5% en 2016) tout comme Bruxelles.
La BCE a elle aussi relevé ses prévisions de croissance pour la Zone Euro en 2015 de 1% à 1,5%.

Il s'agit donc de se réjouir de cette situation et de l'embellie annoncée (mais pas encore arrivée) mais surtout pas à s'en satisfaire ! Les vingt dernières années nous ont montré la grande capacité de la France à ne plus bouger sur le plan structurel quand la situation conjoncturelle s'améliorait.
Comment se contenter par exemple d'une croissance à 1% lorsque l'on sait que l'on ne crée pas d'emplois en dessous de 1,5% de chômage ? Comment se satisfaire d'un ralentissement de la croissance de la dette (et non pas réduction) à 97% du PIB en 2016 ?

Un discours très positif

On dit souvent, et à juste titre, que la plupart des ministres n'ont souvent pas les compétences requises pour exercer dans des domaines qui nécessitent des compétences pointues et pas seulement une habilité politique que nous ne leur contestons pas.
Deux ministres semblent cependant faire entorse à cette règle: le premier d'entre eux est Manuel Valls qui fait preuve d'une honnêteté, d'une cohérence et d'une force de conviction impressionnantes alors même qu'il n'a pas une majorité parlementaire sur laquelle s'appuyer et même si les résultats tardent à venir. Ce dernier a récemment déclaré: "Nous n'avons pas d'autres choix pour le pays que de faire sauter les verrous et débloquer les énergies. La France, il faut la réformer, mais sans la brutaliser, en expliquant aux Français le sens et le but des réformes". Il m'est déjà arrivé de l'écrire, mais cela aurait été difficilement imaginable il y a quelques mois dans la bouche d'un premier ministre socialiste !

Emmanuel Macron fait également figure d'exception: avec sa loi Macron, il a marqué les esprits. Devenu ministre de l'économie à seulement 36 ans, il connait parfaitement la réalité de l'entreprise pour avoir déjà travaillé dans le privé. Son objectif ? "Rétablir la confiance, accélérer l'investissement, déclencher l'emploi" en écho à la célèbre phrase du chancelier allemand Helmut Schmidt: "Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain". Emmanuel Macron amène un vent de fraicheur sur l'économie française et les avis sont unanimes à son égard.
Le président de la République qui entend donc garder le cap peut compter sur ces deux hommes pour mener sa politique: pragmatiques, ils confirment ainsi la phrase de Tony Blair: "La gestion de l'économie n'est ni de gauche, ni de droite : elle est bonne ou mauvaise".
Les choses évoluent dans le bon sens.

Un plan pour l'investissement

C'est donc ce mercredi que le gouvernement, qui se devait de réagir après des élections plus que compliquées pour la gauche, a annoncé une série de mesures pour relancer l'investissement en France afin d'encourager une timide reprise: un essai à transformer.
La principale mesure concerne l'amortissement: c'est un mécanisme comptable qui permet de prendre en compte la perte de valeur d'un bien (machine, outil…) avec le temps.
Une machine achetée 10.000€ pourra voir par exemple sa valeur nette comptable réduite à 1.000€ après 5 ans d'utilisation. On réalise alors une "dotation aux amortissements" qui vient automatiquement réduire le résultat imposable et donc la base sur lequel est calculé l'impôt sur les sociétés.
La mesure annoncée par Manuel Valls vise à pouvoir exceptionnellement amortir 140% de la valeur de la machine (contre 100% normalement) ce qui revient à baisser le bénéfice imposable et donc l'impôt payé par l'entreprise in fine, jusqu'à 13% de la valeur de l'investissement. Cette mesure valable sur les investissements effectués d'ici Avril 2016 devrait coûter 2,5 milliards d'euros à l'Etat.
Elle répond à des enjeux de qualité de l'outil de production ce qui nous permettra d'être plus compétitif: en France, l'âge moyen des machines dans les usines est actuellement de 19 ans contre 10 en Allemagne et 11 en Italie. Il est temps d'investir.

Une mesure presque parfaite

Cette mesure emblématique revient à subventionner l'investissement puisque il s'agit d'aller plus loin qu'une simple incitation: elle va bien sûr dans le bon sens et il faut la saluer.
Une mesure de cet ordre, tout comme le CICE précédemment n'est jamais parfaite, toujours trop ciblée et pas assez importante; on peut par exemple regretter que l'industrie du numérique (et donc du futur) soit laissée de côté des investissements éligibles.
Eric Heyer, économiste à l'OFCE expliquait d'ailleurs que une hausse de l'investissement n'a jamais déclenché une reprise mais a plutôt une fonction d'accompagnement et de consolidation. La plupart des chefs d'entreprise interrogés sur le sujet notaient surtout que, investissement ou pas, si le carnet de commandes était vide, l'activité ne redémarrerait pas. La dynamique demeure cependant positive.

Aller plus loin

Il faut désormais aller plus loin en profitant des conditions exceptionnelles d'une conjoncture qui ne se reproduira certainement pas dans le futur, et lever les vrais blocages:

- Réformer le marché du travail en ouvrant le débat du contrat de travail et de sa flexibilité: il s'agit de protéger les salariés tout en créant des conditions favorables pour accéder à l'emploi: en clair, il faudrait reconnaitre à l'employeur le droit à l'erreur en embauchant un salarié afin que les contraintes qui pèsent sur lui en cas cas de rupture du contrat de travail (prud'hommes) soit allégées. On doit pouvoir employer et licencier plus facilement afin de tendre vers un modèle de flexisécurité.
- Simplifier le code du travail en enlevant tout une série de normes qui empêche les entreprises d'avancer: le compte de pénibilité introduit l'année dernière par le gouvernement est l'exemple parfait d'un savoir-faire français pour créer de la complexité. Avec ses 10.000 articles, le code du travail prend en moyenne une page par semaine. En Suisse, il comporte uniquement 200 articles et le taux de chômage est de 3,5%. A méditer.
- Améliorer la compétitivité des entreprises afin d'augmenter leurs marges et de retrouver de l'activité avec comme corollaire une augmentation des embauches. Si le taux de marge s'est redressé au 4ème trimestre 2014 à 29,9%, il n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant crise et reste loin de celui de notre voisin Allemand.

En France, le taux de chômage devrait culminer à 10,6% à la mi-2015 et il n'y a vraiment pas de quoi s'en réjouir. On a tout essayé pour le combattre sauf ce qui marche: à titre d'exemple, le taux de chômage est de 4,9% en Autriche, 4,5% en Islande et 5,5% au Royaume-Uni.
En Allemagne, l'équivalent de Pôle Emploi a même dû réaliser un plan social…faute de chômeurs !

La situation est en train de s'améliorer et nous n'y sommes pour rien, il est maintenant temps de faire décoller durablement l'avion France, de l'alléger afin de lui faire prendre de l'altitude: il y a tant de chantiers à mettre en oeuvre au delà même de ceux qui ont pu être évoqués dans cet article: nous n'avons pas le temps d'attendre.
La responsabilité des gouvernements est de préparer un futur meilleur pour nos enfants et personne n'y est insensible: saluons ce qui a déjà été fait, encourageons ce qui reste à faire, dialoguons, faisons évoluer notre pays qui souffre de tant de blocages, d'immobilisme, de manque de dialogue avec des organisations syndicales qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Avançons, Monsieur Valls, Monsieur Macron, vous ouvrez des perspectives intéressantes: avec les Français, fixons le cap et ensemble, décollons.